LABRIFFE Marguerite Henriette de

Catégorie: Portraits
Année : 1712

 

P.1181

Âge du modèle : 17 ans

Huile sur toile
H. 131 ; L. 106 cm
France, Collection particulière

Sign. v° : « H. Rigaud ».

Historique :

Paiement inscrit aux livres de comptes en 1712 pour 1600 livres prix pour deux portraits] (ms. 624, f°33 v° : « M[onsieu]r Bret p[r]e[mie]r président de Provence / Mad[adam]e la p[remiè]re présidente le Bret, sa femme ») ; Château de la Potardière en 1889 ; ancienne collection du baron de la Bouillerie (mort en 1951 ou 1952) ; toujours resté dans la famille ; Racheté après la Vente Rouillac-Cheverny 1er & 2 juin 2003, lot 47, par une branche de la même famille. 

Bibliographie :

Hulst/3, p. 190 ; Mariette, 1740-1770, VII, f° 17 ; Moreri, 1759, II, p. 262 ; Basan, 1767, I, p. 176-177 ; Lelong, 1775, p. 158 ; cat. vente C. Drevet, 1782, p. 7, n° 14, p. 24, n° 261 ; Le Bret, 1889, p. 60-77 ; Roman, 1919, p. 164, 179, 183, 185, 188 ; Gallenkamp, 1956, p. 90, 138 ; James-Sarazin, 2003, p. 246-255 ; Perreau, 2004, p. 172-173 ; Levallois-Clavel, 2005, I, p. 91, 136-137, 197 ; ibid., II, p. 363-364, cat. C. Dr. n° 13 ; Perreau, 2005, p. 50, 51 ; Perreau, 2013, cat. P.1181, p. 236 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.1251, p. 412-413 ; Perreau, 2020, p. 180-183.

Expositions :

Montpellier, 2020, n°48 (notice de Stéphan Perreau)

Œuvres en rapport :

  • 1. Huile sur toile ovale d’après Rigaud [buste], H. 82,5 ; L. 64,7 cm. Localisation actuelle inconnue. Ancienne collection Le Grand ; sa vente en 1827 (avec un exemplaire du portrait de son époux, Cardin le bret) ; collection La Bourdonnais ; collection Mrs Gloria Morgan Vanderbilt ; vente New York, American Art Association Anderson Galleries, 1er février 1936, lot 324).
  • 2. Gravé par Claude Drevet en contrepartie. H. 46,2 ; L. 32,5 cm. Sous le trait carré, respectivement à gauche et à droite : « Hyacinthe Rigaud pinx. - Claud.s Drevet sculp. 1728 ». Au centre, mention manuscrite à l’encre brune sur l’exemplaire de la BN : « Md le Bret de Labrife ». Quatrain au bas de l’estampe : « La faucille à la main c’est ainsi que Cérès / Aussi brillante, aussi belle que Flore, / Mais plus féconde et plus utile encore, / Vient moissonner pour nous ses plus riches guerets. / En recevant les biens qu’elle nous donne, / Défendons nous de ses attraits vainqueurs : / Jeune et riante elle moissonne / Moins d’épicts encor que de Cœurs ». En bas de l’estampe, à droite : « A Paris chez P. Drevet Graveur du Roy aux Galleries du Louvre ». Quatre états connus.
  • 3. Huile sur toile. [avec les dimensions H. 127 ; L. 103 cm]. Vente Paris, galerie Charpentier, 15 décembre 1950 ; Peut-être la même version, vente Londres,  Sotheby’s (H. 138 ; L. 106 cm), 12 décembre 1990, lot 106.
  • 4. Miniature ovale d'après Rigaud et dans le même sens que la gravure de Drevet. Londres, Fitzwilliam museum. La robe terre de la robe est changée en bleu.

Copies et travaux :

  • 1715 : « Une [copie] de M[onsieu]r et Mad[adm]e Le Bret » pour 200 livres (ms. 624 f°37 v°).
  • 1716 : Bennevault reçoit 24 livres pour « Un buste de Mad[am]e Le Bret » (ms. 625, f°32).
  • 1718 : « Une |copie] de Mad[am]e Le Bret pour M[onsieu]r Lange [notaire] » pour 100 livres (ms. 624, f°39).
  • 1719 : La Penaye reçoit 90 livres pour « une grande copie de M[a]d[am]e Le Bret, or la teste » (ms. 625, f°34).

Descriptif :

Ce second portrait de Marguerite-Henriette de Labriffe (v. 1695-1724), après un buste sans mains destiné à sa mère, fut payé par la modèle 800 livres, en pendant de celui de son nouvel époux, Cardin le Bret qui, lui, était déjà passé dans l'atelier de l'artiste et avait également contracté trois mariages précédents. L'union fut heureuse2 et couronnée de huit enfants. Malheureusement, la comtesse décèdera des suites de ses multiples grossesses, simplement âgée de 29 ans.

L'œuvre de Rigaud constitue sans conteste une parenthèse dans le choix ordinaire de ses sujets. Avant tout portrait, mais légèrement historié par le travestissement de sa cliente en Cérès, déesse des moissons et de la fertilité, la composition tend vers la peinture d'histoire et rejoint les habitudes prises par les contemporains de l'artiste. 

Leur descendant, Robert Cardin le Bret se montrera très élogieux en 1889 sur la Cérès de Rigaud : « une des plus délicieuses compositions du grand peintre […], la tête ornée d’épis et de fleurs des champs, assise au milieu des blés, tenant de la main droite une faucille, et de la gauche, un bouquet de fleurs semblables à celles qu’elle porte dans les cheveux ». 

Si l'on donne foi à la tradition portée par la maison de vente Rouillac en 2003, il semble qu'il ait existé au moins deux versions de la Cérès de Rigaud, celle vendue à Cheverny constituant l'original, conservé dans la famille depuis l'origine. L'autre tableau, proposé dans les années 1950 par la galerie Charpentier, aurait ainsi pu correspondre à une réplique sans que l'on puisse la faire correspondre à l'une des occurences des livres de comptes.   Rigaud, dans ses échanges désormais célèbres avec l'avocat général aixois, Gaspard de Gueidan, évoque à plusieurs reprises son travail sur ce qui semble être une seconde version du portrait de la  « Votre Portrait est finy depuis quelque tems ; la délicatesse que l’aye eu de ne le pas faire partir, sans celuy de Made la Première Présidente en a été l’unique cause, quoy que vous m’ayez mandé qu’elle m’en donnoit la permission, puisque le sien étoit achevé. J’ay pensé que cela ne suffisoit pas, par la crainte que j’aurois de luy déplaire, estant persuadé que sa politesse envers vous ne vous auroit pas fait connoitre ce que j’auray pu craindre pour moy. Je me donne l’honneur de luy écrire par ce même ordinaire pour luy apprendre le départ de son Portrait dans un mois d’icy, auquel tems je feray partir aussi le votre par l’adresse que vous m’avez marquée. »

L’artiste ne déroge pas à la tradition de représentation dont François De Troy usera volontiers : la modèle est représentée jusqu’aux genoux, dans un cadre champêtre d’où la couleur de l’été et des moissons domine : le brun. Quelques coquelicots agrémentent l’ensemble, compagnons habituels des blés. Pour la robe, toute de virtuosité, Rigaud opte également pour une teinte chaude. Quelques années plus tard, en 1721, le succès de la composition est attesté par un paiement de 120 livres à La Penaye pour avoir « Habillez le portrait de M[adam]e la marquise d’Assigny d’après M[a]d[ame] Le Bret ».

Lorsque Claude Drevet se lance dans la traduction de l’œuvre sur le cuivre, l’opération donne lieu à la création d’un nouveau chef d’œuvre. Une réplique du tableau original, « de grandeur naturelle […] peinte sur toile par le même [Rigaud] », ainsi que le cuivre correspondant, faisaient d’ailleurs parti de la vente après décès de Claude Drevet en 1782. Plus figée sera l’interprétation du thème faite par Louis-Michel Van Loo qui travestit également Madame Segouÿ en Cérès en 17352. La filiation du plus jeune avec notre catalan est franche même si la version est plus académique, plus froide, due aux teintes de bleu de la robe et la fixité du regard. Quant à « Mme de Céreste » décrite dans le catalogue de Le Blanc, il s’agit probablement d’une erreur de lecture du présent portrait « en Cérès ».

En bonne cliente de Rigaud, Madame Le Bret déboursera 150 livres en 1723 pour une copie du portrait de sa demi-sœur, Marguerite de Labriffe (1680-1732), épouse de Louis Bossuet (1663-1742), conseiller au parlement de Metz, couple peint d’ailleurs conjointement par l’artiste.

 


1. Contrat de mariage passé le 16 juillet 1712 devant Claude Boscheron (Archives nationales, minutier Central, ét. LXXXVIII, 406 ; cité dans Perreau, 2020, p. 182).

2. Huile sur toile, H. 130 ; L. 97 cm, signé L. M. van Loo / fils 1735 », vente Paris, hôtel Drouot, étude Tajan, 28 juin 1996, lot. 116

Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan