BERTIER David Nicolas de

Catégorie: Portraits
Année : 1702

 

*P.764

Âge du modèle : 50 ans

Huile sur toile
Dimensions inconnues [buste]
Localisation actuelle inconnue.

Historique :

Paiement inscrit aux livres de comptes en 1702 pour 150 livres (ms. 624, f° 20 v° : « M[onsieu]r l’Évêque de Blois Bertier »).

Bibliographie :

Hulst/3, p. 182 ; Roman, 1919, p. 94, 109 ; Perreau, 2013, cat. *P.764, p. 172 ; James Sarazin, 2016, II, cat. *P.813,p. 274-275 (2003/2, cat. I n°667).

Copies et travaux : 

  • 1704 : « Une [copie] en grand [sic] de Mons[ieu]r l’Évêque de Blois » vendue 250 livres (ms. 624, f° 23). Il s'agit probablement d'une adaptation du buste sur une attitude jusqu'au genoux inspirée d'un modèle d'ecclésiastique antérieur sans qu'il soit possible de déterminer laquelle.
  • 1704 : « Une [copie] en buste pour Mons[ieu]r l’évêque de Valence » valant 75 livres (ms. 624, f° 23). Le commanditaire, Jean de Catelan allait être nommé évêque de Valence le 15 août 1705. Il était issu d'une riche famille toulousaine de parlementaires et deviendra le « beau-frère » par alliance de Bertier ce qui explique notamment la commande de la copie.

Œuvres en rapport :

  • 1. Huile sur toile d’après Rigaud. H. 73 ; L. 59,5. Blois, palais épiscopal, salon d'apparat. 
  • 2. Roman signalait une copie chez la marquise de Flers, au château de Saint-Gervais, près de Blois.
  • 3. Gravé par Pierre Le Roy « de Blois », en 1709 selon Hulst. H. 41,3 ; L. 30,5. « Buste sans mains, grandeur de thèse » tourné à gauche, le visage de face, dans un ovale de pierre avec une colonne nue sur la gauche. Dans la bordure de l’ovale, la lettre suivante : « PRIMUS BLESENSIS EPISCOPUS DAVID NICOLAS DE BERTIER ». Sur le plat du socle, de part et d’autre d’une composition aux armes : « Rigaud pinxit - P. Le Roy Blesensis Sculp. » Dans la moulure du socle : « Se vend à Paris chez Le Roy graveur rue St Jacques à la Croix d’or et chez He le Roy à Blois. »
  • 4. Gravé par un anonyme sans date. Buste tourné à droite dans un ovale. Dans la bordure, la lettre suivante : « DAVID NICOLAS DE BERTHIER PREMIER EVÊQUE DE BLOIS EN 1698 - Primus . Blesensis Episcopus ». Dans le socle au dessous : « Poli, doux, faisant tel était ce prélat / il soutenoit avec éclat / la charge à son zèle commise / on le vit à la cour, il sçut s'y faire honneur / Mais il n'y brigua la faveur / que pour le bien se son église ».
  • 5. Huile sur toile. ~R. H. 77 ; L. 60. Vente Lyon, Bérard, Péron, Schintgen, 11 mars 2017, lot. 38.

Descriptif :

C'est en tant que premier évêque de Blois que David Nicolas de Bertier (1652-1719) se présente pour la première fois aux portes de l'atelier de Rigaud pour commander un buste relativement simple. Le prélat est représenté jusqu'au dessus des mains, vêtu de sa mozette traditionnelle d'évêque, sur un fond neutre agrémenté d'une colonne. La version originale n'est pas connue mais on en conserve désormais trois répliques dont deux sont illustrées.

La version proposée à la vente à Lyon, en 2017, sans doute l'œuvre d'un suiveur de Rigaud, a été vendue avec une version du portrait de Jean-François-Paul Lefèvre de Caumartin (1668-1733), second évêque de Blois, dont une copie est conservée dans le grand escalier du château de Breteuil sous le vocable erroné de Charles-Louis-Auguste Le Tonnelier de Breteuil (1689-1732), évêque de Rennes. L'identification comme Caumartin est par ailleurs confirmée par une autre version conservée dans le salon d'honneur de l'évêché de Blois, aux côtés de celle de Bertier, ainsi que par une estampe de Crépy.

Depuis fort longtemps les évêques de Chartres déploraient leur incapacité à administrer ce qu’à Rome l’on appelait « le grand diocèse », l’un des plus vastes du royaume. Le décès, en 1690, de Ferdinand de Neufville de Villeroy, qui gouvernait cette église depuis 1657, relança un ancien projet découpage du territoire qui allait déboucher sur la création, en 1697, de l’évêché de Blois. D’abord pressenti à sa tête, l’abbé Michel Le Peletier (1660-1706), fils du contrôleur général des finances, avait finalement choisi Angers en 1692, laissant le champ libre pour Blois à l’abbé Bertier, protégé du nouvel évêque de Chartres, Paul Godet des Marais (1647-1709).

Bertier, avait passé son enfance auprès de son oncle, Pierre (1606-1674), évêque de Montauban qui s’était montré un fervent convertisseur de protestants ce qui ne manqua pas de plaire à Madame de Maintenon lorsque l’affaire de l’élection du premier évêque de Blois fut l’un des sujets de cour[1]. Sulpicien comme l’évêque de Chartres, Bertier était issu d’une ancienne famille de parlementaires toulousains qui avait donné plusieurs évêques. Son père, Jean-François de Bertier, baron de Montrabé, seigneur de Saint-Geniez, époux depuis 1642 d’Antoinette de Flory, fut conseiller au Parlement de Toulouse de 1641 à sa mort en 1689[2]. Quant au frère de notre modèle, François de Bertier (1653- Toulouse, 1er septembre 1723), seigneur de Saint Geniez, il devint avocat au Parlement de Toulouse puis Premier Président au Parlement de Pau (1703) et de Toulouse (1710), et épousa de Marie de Catelan, fille de François, conseiller, puis président au parlement de Toulouse et sœur du futur évêque de Valence, Jean de Catelan.

Prêtre du diocèse de Vabres, abbé cistercien de Notre-Dame du Relecq, « pieux, éloquent et instruit » après avoir pris ses grades en Sorbonne, Bertier avait été très tôt associé à Fénelon dans les missions de prêche en Saintonge, haut lieu du calvinisme. Lorsque Godet des Marais fut sacré à la tête de Chartres, le 31 août 1692, lors d’une cérémonie présidée à Saint Cyr par l’archevêque de Paris François de Harlay de Champvallon (1625-1695), Bertier fut nommé « avec l’agrément de Sa Majesté » grand vicaire de Chartres avec la tâche d’administrer en son nom le Blésois et le Vendômois.

Après quelques tergiversations sur le nouveau lieu qu’il convenait de choisir (on pensait à la belle abbaye des Bénédictins de Saint-Lomer), l’église Saint Solenne fut nommée cathédrale et restaurée à cet effet. Très charitable, le nouvel évêque nommé parcouru ses campagnes, soucieux de calmer les séditieux et de pallier à la pauvreté des fidèles. Sans verser dans l’image d’Épinal, Bertier fut unanimement reconnu pour sa tempérance, son affabilité et ses nombreuses charités, dépensant sur ses propres deniers pour venir en aide aux pauvres et se démenant pour faire venir un blé de Bretagne. Fort de sa bulle d’érection obtenue le 1er juillet 1697, l’homme acheva la réfection de sa cathédrale en imaginant de transformer complètement le chœur par un décor de stalles, de boiseries, grilles et dallages, établissant un rond-point à l’arrière « pour y pouvoir tourner en procession », remplaçant l’autel de pierre jugé « trop simple » par un autre en bois « à quatre faces » et bâtissant « une grande sacristie avec tous les logements nécessaires ».

Sacré à Saint Cyr le 15 septembre 1697 par le cardinal de Noailles assisté de l’évêque de Chartres et de Gaston de Noailles, évêque de Châlons, Bertier bénéficia d’une cérémonie que l’on décrivit comme hors du commun, rassemblant quatre cardinaux, six archevêques, dix évêques, quatre princes, quatre princesses ainsi que la duchesse de Savoie. C’est finalement le 26 juin 1698 que le nouvel évêque fit son entrée triomphale dans sa ville comme le relate le Mercure galant du mois suivant[3].

« Vous ne serez pas fachée de savoir ce qui s’est passé à l’entrée de Mr de Bertier, que le Roy a fait premier évêque de Blois. Tous les ordres pour sa réception en cette ville là ayant esté donnez, et le jour de son entrée marqué au Jeudy 26 de juin, ce Prélat accompagné de la Maréchaussée, qui estoit allée au devant de luy jusqu’à sa maison de Champigny, à trois lieuës de la Ville, se rendit au son des Cloches et de la mousqueterie, en l’Abbaye de Saint Laumer, où il fut receu à la porte de l’Eglise par le Prieur, qui le harangua à la teste de sa Communauté. Le reste du jour & le lendemain matin, il receut les complimens & les harangues de tous les corps de Ville & de toutes les communautez séculières & régulières, auxquelles il répondit avec une présence d’esprit & des manières obligeantes qui le firent admirer de tout le monde. A deux heures précises, il partit de l’Abbaye précédé de toute la communauté, qui le conduisit jusqu’à l’entrée de la ville, où l’on avoir préparé un trône sur une estrade de plusieurs marches. Il y trouva tous les corps de Ville, la Chambre des Comptes, le présidial, l’Election ; & dans le même moment, les Religieux, les paroisses & tout le Clergé, arrivèrent processionnellement de toutes parts. Le Maire de Ville avec les échevins le harangua de nouveau. Le Chapitre de Saint Sauveur, choisi pour composer la Cathédrale fit la même chose. Ce prélat fut revêtu de ses habits pontificaux, & la marche commença. Depuis l’entrée de la Ville jusqu’à l’église paroissiale de Saint Solemne, destinée pour être la Cathédral, toute la Bourgeoisie en armes formoit une double haye, afin d’empêcher autant qu’il se pourroit, que la foule du peuple, accouru de vingt lieuës à la ronde, ne rompist la marche. Le Clergé chantoit ses pseaumes & des Hymnes qui avoient rapport à la cérémonie, & le peuple l’accompagnoit d’acclamations & de cris de ‘Vive le Roy’. Cette marche fut longue & difficile par l’empressement que l’on eut de voir en ses habits pontificaux un Prelat dont rien ne peut surpasser la bonne mine & l’ai de piété & de douceur répandu dans toutes ses manières. Il arriva comme il put jusqu’à la porte de la Cathédrale. Cette Eglise qui avoit été renversée par une violente tempeste en l’année 1678, avoit esté presque entièrement rebâtie par les libéralités du Roy & c’estoit la plus belle paroisse de la Province. Messire Loüis Frotté, docteur en théologie, chanoine régulier de Sainte Geneviève, prieur de cette église, l’attendoit à la porte avec son clergé, & après les cérémonies ordinaires, il le harangua à son tour ». Le Mercure galant publia en suite du récit, la longue harangue du chanoine qui rejoint par son art consommé de la louange l’Oraison funèbre de très Illustre et très respectable Seigneur David-Nicolas de Bertier, conseiller du roi en ses conseils, premier évêque de Blois prononcée à Blois en l’église cathédrale par Monsieur Macé, chanoine régulier de Sainte Geneviève, prieur de Saint Honoré de la même ville, le 5 décembre 1719[4].

« Nom respecté dans le monde & révéré depuis longtemps entre ceux des plus excellents Prélats, un extérieur engageant & prévoyant, des manières nobles et polies, un esprit pénétrant, un cœur généreux et sincère ; une piété sage et éclairée, une doctrine saine et sans reproche, beaucoup d’autorité jointe aux charmes d’une douceur incomparable, du zele, de l’exactitude, de la fermeté tempérée par une extrême condescendance » Bertier s’éteignit à Blois le 20 août 1719 dans la plus grande considération de ses ouailles. Durant les vingt et un ans de l’administration de son diocèse, il « se montra organisateur méthodique, un apôtre inlassable et clairvoyant des protestants, ferme défenseur de la pure doctrine romaine, tout en ne renonçant pas à un gallicanisme modéré. Il resta un homme d’autorité […] mais sachant allier cette autorité à un souci judicieux de l’accommodement qui maintint en son diocèse un climat de paix »[5]. Il participa à l'Assemblée extraordinaire du Clergé de France de 1713-1714 ainsi qu’à celle de 1715.

Bertier avait fait bâtir, entre 1700 et 1703 sur des terrains comprenant une partie des anciens remparts et en englobant l’ancien hôtel de Brisacier, un évêché accompagné de somptueux jardins, aujourd’hui siège de la mairie de Blois. Ce n’est qu’en mars 1704 qu’il prit officiellement possession du bâtiment dont l’architecture est attribuée à Jacques Gabriel.

L’évêque de Blois reviendra chez Rigaud en 1705 et en profitera pour commander une copie du portrait de son frère, Berthier de Sauvigny, que Rigaud avait peint en 1703 peint « en grand » lorsque son client fut président au parlement de Pau.


[1] Jean Armand, Les évêques et les archevêques de France depuis 1682 jusqu’à 1801, Paris, 1891, p. 293.

[2] Alphonse Brémond, Nobiliaire toulousain inventaire général des titres probants de noblesse et de dignités nobiliaires, Toulouse, 1863, p. 99.

[3] Mercure galant, juillet 1698, p. 196 et suivantes.

[4] Paris, Delespine, 1720.

[5] Jules Gallerand, « l’érection de l’évêché de Blois (1697) », Revue d’histoire de l’Eglise de France, tome 42, 1956, pp. 175-228.

 

 

Poser une question à propos de cette oeuvre
Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan