DU CAMBOUT DE COISLIN Pierre Armand

Catégorie: Portraits
Année : 1699

 

*P.642

Âge du modèle : 62 ans

Huile sur toile
Dimensions inconnues [buste]
Localisation actuelle inconnue

Historique :

Paiement inscrit aux livres de comptes en 1699 pour 210 livres (ms. 624, f° 16 v° : « M[onsieu]r le cardinal de Coaslin »).

Bibliographie :

Lelong, 1775, p. 162 ; Roman, 1919, p. 74, 76, 83, 140 ; cat. Orléans, 2002, p. 207 ; Genin-Pierre, 2005, cat. 56, p. 68 ; Perreau, 2013, cat. *P.642, p. ; James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.669, p. 226-227 (2003/2, cat. I, n°574].

Œuvres en rapport :

  • 1. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 65 ; L. 55 cm. Région parisienne, Collection particulière.
  • 2. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 71 ; L. 59,7. Orléans, musée des Beaux-arts. Inv. 951.
  • 3. Huile sur toile d’après Rigaud. H. 81,5 ; L. 65. Nantes, musée des Beaux-arts. Inv. 691. Inscription dans le bas : « PIERRE DU CAMBOUT PREMIER AUMONIER DU ROY / EVESQUE DORLEANS COMMENDEUR DES ORDRE DU ROY / CARDINAL EN 1695 GRAND AUMONIER DE France. » Don de M. Lecour de Grandmaison en 1904 après avoir racheté le domaine des Coislin à l’extinction de la famille au XIXe siècle.
  • 4. Gravé par Isaac Sarrabat en 1700.

Copies et travaux :

  • 1699 : « Quatre [copies] de M[onsieu]r le cardinal de Coaslin » pour 280 livres (ms.624, f°17).
  • 1699 : Leprieur touche 32 livres « pour quatre tête de monsieur le cardinal de Coaislin » (ms. 625, f°7 v°).
  • 1699 : « Deux copies de M[onsieu]r le cardinal de Coaslin » par Prieur pour 32 livres (ms. 625, f°7).
  • 1700 : Viennot réalise « deux habits du cardinal de Coaislin » pour un salaire inconnue (ms. 625, f°9).
  • 1708 : « Une de M[onsieu]r le cardinal de Coaslin p[ou]r m[onsieu]r Charpentier » pour 75 livres (ms. 624, f°28 v°).

Descriptif :

Lorsqu’à la fin de l’année 1699 Hyacinthe Rigaud inscrivit dans ses comptes le paiement d’un portrait du cardinal Pierre du Cambout de Coislin (1636-1706)[1], le prélat était considéré comme l’un des plus pieux et des plus discrets du royaume. Il suivait, dans l’atelier du « plus grand portraitiste de l’Europe pour la ressemblance des hommes et pour une peinture forte et durable » (Saint Simon), les pas d’autres ecclésiastiques bien connus du royaume : les évêques d’Albi (1685), de Nimes (1690), de Verdun (1694), de Saint Papoul (1695), de Montpellier (1697), de Troyes, de Soissons, de Meaux et de Perpignan (1698) ainsi que le cardinal de Noailles (1697). Il s’inscrivait ainsi dans une vaste galerie des princes de l’église qui constituèrent, jusqu’à la fin de la vie de l’artiste, des clients privilégiés.

Second fils de Pierre-César du Cambout (1613-1641), marquis de Coislin, lieutenant général et de Marie Séguier (morte en 1710), marquise de Laval, fille aînée du célèbre chancelier, notre modèle avait entamé très tôt sa carrière dans l’église. Bénéficiaire d’une commende de l’abbaye de Jumièges à l’âge de sept ans, le plus jeune abbé du royaume fit ses études en Sorbonne. Chanoine de la cathédrale de Paris (1647), il reçut également la commende de l’abbaye de Saint Victor, l’une des plus importante de France (1653) et prieur de Longpont (1661). Ordonné prêtre, « riche en abbayes et en prieurés, dont il faisait de grandes aumônes et dont il vivait », Coislin fut rapidement installé comme évêque d’Orléans le 29 mars 1666, âgé d’à peine 30 ans. De son évêché qu’il eut fort jeune, nous avoue Saint Simon, « il n’en toucha jamais rien, et en mit le revenu en entier tous les ans en bonnes œuvres. Il y passait au moins six mois de l’année, le visitait soigneusement et faisait toutes les fonctions épiscopales avec un grand soin, et un grand discernement à choisir d’excellents sujets pour le gouvernement et pour l’instruction de son diocèse. Son équipage, ses meubles, sa table sentaient la frugalité et la modestie épiscopales, et, quoiqu’il eût toujours grande compagnie à dîner et à souper et de la plus distinguée, elle était servie de bons vivres, mais sans profusion et sans rien de recherché. »

Commandeur de l’ordre du Saint-Esprit depuis le 31 décembre 1688, Coislin fut élevé à la dignité de cardinal en août 1697, à la surprise de toute la cour. Quelques jours après la réception de sa barrette, il donna au roi de nouvelles preuves de son humilité à l’occasion d’une anecdote rapportée par Saint Simon : « Etant au lever du roi, il lui demanda si on le verrait à cette heure avec des habits d'invention : « Moi, sire, dit le nouveau cardinal, je me souviendrai toujours que je suis prêtre avant que d'être cardinal ». Il tint parole ; il ne changea rien à la simplicité de sa maison et de sa table, et ne porta jamais que des soutanelles de drap ou d'étoffes légères, sans soie, et n'eut de rouge sur lui que sa calotte et le ruban de son chapeau. Le roi, qui s'en doutait bien, loua fort sa réponse, encore plus sa conduite qui le mit de plus en plus en vénération. » 

C’est pourtant dans sa vêture traditionnelle de cardinal que « M. d’Orléans » choisit d’être peint par Rigaud. L’artiste, s’inspirant sans doute de la douce tranquillité qui émanait du premier portrait de son modèle, peint par Robert Nanteuil en 1658 (et gravé en 1666), décida d’un buste à 210 livres, légèrement agrandi au début des bras[2]. Coislin, tourné légèrement sur la droite, arbore le grand camail rouge et sa calotte de même couleur, significatifs de sa nouvelle charge. Au cou, sous le double rabat de gaze, s’étale le grand cordon bleu soutenant la croix de l’ordre du Saint Esprit. On ne peut qu’être saisi de la ressemblance du visage avec la description que fit Saint Simon du modèle, alors qu’il venait d’être nommé cardinal de la Trinité du Monte Pincio : « C'était un homme de moyenne taille, gros, court, entassé, le visage rouge et démêlé, un nez fort aquilin, de beaux yeux avec un air de candeur, de bénignité, de vertu qui captivait en le voyant, et qui touchait bien davantage en le connaissant. »

Après avoir eu l’honneur de célébrer le mariage du jeune duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, le 7 décembre 1697 à Versailles (voir le tableau commémoratif d’Antoine Dieu à Versailles, MV 2095), Coislin fut nommé grand Aumônier de France en 1700 en remplacement du cardinal de Bouillon. Il mourut à Versailles le 5 février 1706, après avoir reçu les sacrements « avec une grande piété ».

Le portrait peint par Rigaud rencontra un grand succès et devint l’image officielle du cardinal. Quatre copies sortirent de l’atelier du peintre dès 1699, pour un montant de 280 livres, soit 70 livres chacune. Les visages en furent confiés à l’aide et ami de Rigaud, Adrien Leprieur (v.1671-1736) qui reçoit 32 livres pour ce travail, ajouté de la même somme pour autres deux copies entières. L’année suivante, c’est au tour de l’Aixois Charles Viénot (1674-1706) de réaliser « deux habits du cardinal de Coaislin » pour un montant inconnu. Enfin, en 1708, une énième copie est vendue 75 livres à un certain « mr Charpentier »[3]. Plusieurs toiles aujourd’hui conservées pourraient être rattachées à cette série de copies comme celle du musée des Beaux-arts d’Orléans[4] et, dans un moindre mesure, celle du musée des Beaux-arts de Nantes[5]. Une autre, de meilleur qualité encore est conservée dans la sacristie de la cathédrale d’Orléans dans laquelle on reconnaît la manière de Leprieur. Cependant, nous savons aujourd’hui que les livres de comptes de l’artiste, conservés à la bibliothèque de l’Institut de France à Paris, peuvent s’avérer lacunaires et, dans quelques rares cas, incomplets. Malgré une grande rigueur dans l’inscription des toiles originales, un certain nombre de copies connues ne semblent pas s’y retrouver. Elles furent commandées au coup par coup, parfois en marge de l’atelier, alors que des commanditaires pouvaient s’adresser directement aux aides de Rigaud qui, par ailleurs, menaient leur propre carrière. Celle que nous présentons est peut-être l’une de celle-là, optant pour un cadre plus serré. Tronquée dans sa partie inférieure, elle rend pleinement justice au modèle, reproduisant très fidèlement le modelé du visage et la complexité des plis des yeux. Cependant, elle offre un fini moins glacé que les exemplaires d’Orléans, privilégiant une certaine vibration dans les carnations. La touche est plus duveteuse, plus sensuelle aussi et l’on sent que l’artiste a davantage porté son attention au rendu de la ressemblance qu’au rendu des étoffes, plus librement interprétées.

En 1700, le graveur Isaac Sarrabat (1667-1701), familier des productions de Rigaud[6], s’attacha à transcrire à la manière noire et en contrepartie l’œuvre peinte par Rigaud. La planche, très subtile et finement exécutée (notamment dans le rendu évanescent des cheveux), et reprend l’intégralité de la composition originale, incluant le début des bras du cardinal[7].

La mort du cardinal de Coislin fut l’occasion pour Saint Simon de témoigner une nouvelle fois du grand crédit dont le défunt jouissait : « C’était un assez petit homme, fort gros, qui ressemblait assez à un curé de village, et dont l’habit ne promettait pas mieux, même depuis qu’il fut cardinal. On a vu en différents endroits la pureté de mœurs et de vertu qu’il avait inviolablement conservée depuis son enfance, quoique élevé à la cour et ayant passé sa vie au milieu du plus grand monde ; combien il en fut toujours aimé, honoré, recherché dans tous les âges ; son amour pour la résidence, sa continuelle sollicitude pastorale, et ses grandes aumônes. Il fut heureux en choix pour lui aider à gouverner et à instruire son diocèse, dont il était sans cesse occupé. […] Toute la cour s'affligea de sa mort ; le roi plus que personne, qui fit son éloge. Il manda le curé de Versailles, lui ordonna d'accompagner le corps jusque dans Orléans, et voulut qu’à Versailles et sur la route on lui rendît tous les honneurs possibles. Celui de l’accompagnement du curé n'avait jamais été fait à personne. On sut de ses valets de chambre, après sa mort, qu’il se macérait habituellement par des instruments de pénitence, et qu’il se relevait toutes les nuits et passait à genoux une heure en oraison. […] Le roi le traita toujours avec une amitié, une distinction, une considération fort marquées, mais il avait souvent des disputes et quelquefois fortes sur son départ et son retour d'Orléans. Il louait son assiduité en son diocèse, mais il était peiné quand il le quittait et encore quand il demeurait trop longtemps de suite à Orléans[8]. La modestie et la simplicité avec laquelle M. d’Orléans soutint sa nomination, et l’uniformité de sa vie, de sa conduite et de tout ce qu’il faisait auparavant, qu’il continua également depuis, augmentèrent fort encore l’estime universelle. »

 

 


[1] Livre de comptes du peintre, Paris, bibliothèque de l’Institut de France, ms. 624, f° 16 v° : « Mr le cardinal de Coaslin ».

[2] Joseph Roman, Le livre de raison du peintre Hyacinthe Rigaud, Paris, 1919, p. 74 ; Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud, catalogue de l’œuvre, Sète, 2013, cat. *P.641, p. 150.

[3] Roman, 1919, p. 76, 83, 140.

[4] Huile sur toile ovale d’après Rigaud. H. 71 ; L. 59,7. Orléans, musée des Beaux-arts. Inv. 951. Cat. 2002, p. 207.

[5] Huile sur toile d’après Rigaud. H. 81,5 ; L. 65. Nantes, musée des Beaux-arts. Inv. 691. Inscription dans le bas : « PIERRE DU CAMBOUT PREMIER AUMONIER DU ROY / EVESQUE DORLEANS COMMENDEUR DES ORDRE DU ROY / CARDINAL EN 1695 GRAND AUMONIER DE France ». Don de M. Lecour de Grandmaison en 1904 après avoir racheté le domaine des Coislin à l’extinction de la famille au XIXe siècle. Cat. Nantes, 2005, cat. 56, p. 68.

[6] Il grava les portraits de Bossuet, évêque de Meaux, de Basan de Flamenville, évêque de Perpignan et du marquis de Praslin.

[7] H. 19,5 ; L. 27. Vu en demi-figure et de trois quarts, dirigé à gauche, il regarde de face, décoré de l'ordre du Saint-Esprit, dans un ovale échancré à sa base pour loger la partie supérieure de son écusson descendant dans la marge, où on lit : Très Haut, très Puissant, Et Eminantissime Seigneur Monseigneur Pierre du Combout Cardinal de Coislin Evesque d’Orléans Premier Aumosnier du Roy Commandeur de Ses ordres ; et au dessous, à gauche : Hyacinthe Rigaud pinxit; et à droite : I. Sarrabat fecit et excu. Rue St jacques au Duc de Berry au dessous de la fontaine St benoist. Cf. Robert-Dumesnil, Le peintre graveur français, vol. 3, partie I, n°18, p. 305.

[8] Le marquis de Dangeau témoigna lui aussi du goût de Coislin pour son évêché : « Le cardinal de Coislin n’étoit à la cour que le moins qu’il pouvoit, et toujours en dispute avec le roi là-dessus, qui en était même piqué quelquefois ; tout le reste du temps en son diocèse, qu’il administroit avec une grande vigilance et par des gens bien choisis. Il y donnoit tout le revenu de l'évêché, et faisoit d’ailleurs de grandes aumônes, quoiqu’il vécût partout fort honorablement. On sut, depuis sa mort, qu’il étoit dans de grandes pratiques de pénitence depuis bien des années, et qu’il se relevoit seul toutes les nuits, à la dérobée de ses gens, pour prier, et c'est à quoi sa dernière maladie fut attribuée. »

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Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan