Dès 1701, Hyacinthe Rigaud s’entoura donc d’une nouvelle équipe, au sein de laquelle on note l’arrivée d’Éloy Fontaine (1678-ap.1747), maître peintre à l’académie de Saint-Luc, dont on ignorait à peu près tout jusqu’ici. Après de longues recherches en archives, nous avons pu reconstituer quelques bribes de son parcours au regard de documents inédits.
Neuvième rejeton du « hautelisseur » Pierre Fontaine (1661-1698) et de Marie Patte (1637-1712), il naquit sur la paroisse Saint-Firmin-le-Confesseur d’Amiens, le 4 juin 1678, dans la maison familiale de la rue du Hocquet. On ne sait à quelle date il s’installa à Paris et de qui il tira primitivement ses leçons, mais on sait qu’il travailla auprès de Rigaud de 1701 à 1705. Le 27 février 1708, par devant Maître Boucher, notaire de la capitale picarde, Éloy Fontaine « de Paris » épousait Marie Charlotte Doeuillet, jeune fille de 24 ans issue d’une famille de marchands originaire de Roye qui s’était établie sur la paroisse Saint-Martin d’Amiens[1]. Le couple vécut rue Contrescarpe, paroisse Saint-André-des-Arts où, le 16 février 1713, il touche le reliquat d’un legs de 3 000 livres stipulé par le testament mutuel de Pierre Fontaine et de Marie Patte, passé à Amiens 19 mars 1698[2]. Éloy Fontaine s’établit rue du Petit-Pont, effectue des expertises[3], place sa fille de 20 ans, Marie Andrée, en apprentissage chez Marie-Catherine Compagnon, maîtresse lingère au Cul-de-sac-Saint-Martial[4], avant de quitter Paris en donnant, le 25 février 1747, une procuration générale pour ses affaires à Pierre Mollandin, contrôleur des rentes de l’Hôtel de ville[5].
Fontaine se démarque des quelques peintres parisiens homonymes en signant « Eligs. Fontaine pinx » sur les planches gravées d’après ses œuvres. Celles-ci nous montrent un continuateur et repreneur de modèles de Rigaud, parvenu à un haut degré de mimétisme comme dans l’effigie de Jean-Louis Coyon de la Bourdonnaye, évêque de Léon en 1701, seulement connue par les gravures de Pierre Drevet (1709) et d'Étienne Grantel (1706).
Celle réalisée par Claude Duflos (1665-1727) du portrait perdu de François-Honorat Antoine de Beauvilliers de Saint-Aignan, évêque de Beauvais, n’est pas sans rappeler les planches d’Edelinck [*P.491-4-b] et de Drevet [P.491-4-a] d’après le portrait peint par Rigaud en 1697 du cardinal de Noailles.
Éloy Fontaine, portrait de femme. 1735. Coll. priv. © galerie Wladimir Sokoloff
En 2017, un nouvel opus produit par Fontaine a réapparu. Daté et signé au verso « Fontaine 1735 » (et non 1733 comme indiqué par la notice de la galerie qui le vendait), ce portrait de femme est resté sur sa toile d'origine et sur son châssis ancien à traverses clouées.
Présenté en buste, habillé d'un ample manteau brun galonné d'or, le modèle porte une robe de velours verte dont l'échancrure décorée de broderies de palmes également d'or se termine vers le bas d'une broche en cabochon.
Cette mode vestimentaire et cet ordonnancement n'étaient pas sans rappeler les mises en scènes d'autres artiste à la même époque, guidés par une certaine mode. Si l'agencement assez nerveux des drapés n'est pas sans rappeler ceux d'un autre aide occasionnel de Rigaud, Robert le Vrac Tournières, l'enchâssement du modèle dans un grand carcan textile renvoyait à certains bustes féminins peints notamment par Jean Ranc. Le récent passage sur le marché de l'art du portrait d'une anonyme est en ce sens assez parlant, même si les drapés si caractéristiques de Ranc accusent un fini plus soigné[6].
Notons que Fontaine fut suffisamment lié avec Pierre Benevault (1685-1767), pour qu’il signe comme témoin au mariage de la fille de ce dernier avec le graveur Jean Moyreau (1690-1762), le 31 octobre 1739[6].
Travaux réalisés par Éloy Fontaine pour Hyacinthe Rigaud :
Année | Nature du travail | Rémunération (en livres) |
1701 | Une Copie de mr De La fontaine L’habit de mr de baubrian Une tête de mr de noailles Une Copie de Mr le Chevaller de pousole L’habit de loriginal |
10 |
1702 1703 |
Deux têtes du portrait du Roy |
10 |
1705 |
une tête de mr le marechal de ville Roy |
7 |
[1] Paris, Arch. nat., MC, ET/XXIV/556, quittance du 16 février 1713 à Adrien Fontaine et Catherine Patte, subrogés par François Patte, prêtre, docteur en Sorbonne.
[2] Ibid.
[3] Ibid., ET/XXIII/521, 1er septembre 1742, inventaire après décès de Nicolas Grigé, avocat au Conseil, conseiller secrétaire du roi.
[4] Ibid., ET/XVI/707, 1er avril 1743.
[5] Ibid., ET/XXX/304.
[6] Stéphan Perreau, http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com/2017/11/un-nouvel-opus-inedit-d-eloy-fontaine-eleve-de-rigaud.html, [en ligne] 12 novembre 2017.
[7] Ibid, ET/XXXI/117.