RIGAUD Hyacinthe

Catégorie: Autoportraits
Année : 1692

 

P.307

Autoportrait dit « au manteau rouge »

Âge du modèle : 33 ans

Huile sur toile
H. 42 ; L. 34,5 cm
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle. Inv. 47

Historique :

Mentionné dans les livres de comptes en 1692 sans prix (ms. 624, f° 8, rajout de Hulst : « M[onsieur] Rigaud lui-même ») ; coll. Collin de Vermont ; sa vente 14 novembre 1761, n° 83 (« le Portrait de M. Rigaud non fini, peint par lui-même dans sa jeunesse », 6 livres 8s) ; Acquis par la margravine Caroline Luise d’une collection parisienne en 1762 (« un portrait de Rigaud representans luy meme » ; archives de la famille, Karlsruhe, correspondance de la margrave Bd. 98).

Bibliographie :

Hulst/2, p. 155 ; Hulst/3, p. 174 ; Parthey, II (1864), p. 365, n° 16 ; Roman, 1919, p. 32, 49 ; Kirchern Karoline Luise, 1933, p. 122, n° 36, p. 131, n° 53, p. 206 ; Vollmer, dans Thieme-Becker XXVIII, 1934, p. 350 ; Goldscheider, 1936, n° 276 ; Gallenkamp, 1956, p. 165 ; Weigert, IV, 1961, n° 180, p. 45 ; Lauts, dans Connaissance des Arts, n° 160, juin 1965, p. 114 ; Cat. Karlsruhe, 1966, p. 250 ; Cat. Karlsruhe, 1971, p. 14-19 ; Cat. Karlsruhe, 1983, n°205 ; Perreau, 2004, p. 135-136 ; Rosenberg, 2005, n° 961, p. 165 ; Rosenberg et Mandrella, 2005, n° 961, p. 164 ; James-Sarazin, 2009/1, p. 96 ; Perreau, 2013, cat. P.307, p. 100-101 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.340, p. 117-118 (2003/2, cat. I, n°273).

Œuvres en rapport :

  • 1. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 81 ; L. 65 cm (ancienne collection Vidal, n° 89 ; Paris, coll. Paul du Bouys ; sa vente, Paris, hôtel Drouot, 28 mars 1941, lot 45).
  • 2. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 81,5 ; L. 66. Inscr. RIGAUD. Picardie, Collection particulière.
  • 3. Gravé par Gérard Édelinck.
  • 4. Sanguine d'après Édelinck et Rigaud.

Copies et travaux : 

  • 1695 : Gaspard Rigaud reçoit 25 livres pour « cinq draperies à des copies de mon portrait » (ms. 625, f° 3 v°).

Descriptif :

Dans cette transposition de son image, Rigaud met en pratique les préceptes picturaux flamands et nous plonge dans une atmosphère d’ombre et de lumière caractéristique de Rembrandt ou de Van Dyck. À ce titre, il est judicieux de rapprocher l’agencement général de cette œuvre avec celui du portrait de Sébastien Bourdon, dessin réalisé par Rigaud vers 1730 et conservé à Francfort. Ce type de posture, déjà ancienne puisque Van Dyck s’était ainsi représenté en 1635 dans un Autoportrait avec Endymion Porter (Madrid, musée du Prado), acquit une grande popularité dans la première moitié du XVIIIe siècle. Dès 1632, Van Dyck avait même opté à deux reprises pour cette attitude, dans laquelle on voit l’artiste regarder par-dessus son épaule.

Un Autoportrait (1630, eau forte) et l’Autoportrait au tournesol (v. 1632, collection du Duc de Westminster) contribuèrent tout particulièrement à la diffusion de cette posture. Le modèle de Van Dyck fut probablement l’Autoportrait d’Ottavio Leoni (1578-1630), artiste qui influença en effet fortement les estampes du premier. D’autres portraits hollandais de cette époque (comme l’Autoportrait de Nicolaes Elias dit « Pickenoy », daté de 1627 et conservé au musée du Louvre) montrent que certains artistes étaient attentifs à l’idée défendue par Karel van Mander dans son Den Grondt der Edel vrij Schilder-const, qu’un portrait devait suggérer l’intelligence de la personne représentée (voir Carl Depauw &  Ger luijten, Antoine van Dyck et l’estampe, 1999). Van Mander écrit à ce propos qu’il faut éviter soigneusement « que la tête ne soit tournée du côté où le corps s’incline ou se penche, au risque que l’ouvrage ne traduise notre incapacité ». Plus d’un artiste s’est donc reproduit regardant par-dessus son épaule, pour indiquer qu’il a de l’esprit et qu’il est inventif, signifiant, dans les termes de Van Mander, qu’il « témoigne de capacité ». Si la gravure d’Édelink d’après Rigaud montre clairement une savante architecture le glorifiant (colonne cannelée habillée d’un drapé, bas relief de type romain, plafond à caisson et rotonde à pilastres, toile sur un chevalet, palette et feuilles de papier), l’huile sur toile enveloppe tous ces détails d’ombre, ne laissant éclater que le rouge du manteau.

On admirera la vive lumière qui arrive par faisceaux de la droite et qui frappe ce même manteau dont elle caresse les plis et la texture du velours. C’est finalement sur la palette, symbole même de la peinture qu’elle finira sa course… Le visage de Rigaud, encore jeune, dans la force de la trentaine, porte une perruque très brune, courte et finement bouclée. On ne peut être que troublé par les similitudes entre cette posture (la main légèrement repliée sur le buste) et celle du portrait d’homme au manteau rouge (vente Sotheby’s du 16 décembre 1999) que Juriaen Ovens (1623-1678) réalisa vers 1650. Elle s’apparente d’ailleurs chez le même peintre à celle du portrait de Johan Bernard Schaep (Amsterdam, musée historique). Beaucoup plus tardivement dans le temps, le succès de ces représentations trouve un écho particulièrement vivifiant dans l’autoportrait à 24 ans peint en 1804 par Jean-Auguste Dominique Ingres (1780-1867) et conservé au musée Condé de Chantilly. La toile de Karlsruhe fut acquise, selon le musée de Karlsruhe, par Caroline Louise, margravine von Baden-Durlach (1723-1783), grande collectionneuse de peintures françaises. Elle tentera également d’acheter en 1770 de la vente La Live de Jully un autre autoportrait de Rigaud, renonçant à une œuvre de François-Hubert Drouais : « la réputation de M. Drouais n’est pas si établie pour qu’il me faille nécessairement avoir de ses ouvrages, et surtout s’ils ne sont pas bons » (cité par Patrick Michel dans Rosenberg, 2005, p. 66, source en note n°16).

La margravine ordonna à son banquier, Eberts, « de me faire faire l’acquisition de son propre Portrait [n°59] et non de celui de Jaback, qui m’est beaucoup moins intéressant, et que je n’avais choisi que sur la note du catal[ogue] Et parce qu’il étoit de la grandeur de mon Largilliere ». L’autoportrait de la vente La Live de Jully fut finalement vendu 59 livres au marchand Remy.

Sur la gravure d’Édelinck, la toile posée sur le chevalet présente une esquisse du portrait du prince de Conti. Le papier déroulé au premier plan, celle du portrait de la famille Lafita. Cette attitude a été reprise par de nombreux autres artistes ; certains ayant pastiché Rigaud plus que d’autres : voir le portrait d’homme à la draperie de velours mauve attribué à Jean Tortebat (1652-1718) et anciennement dans la collection De Chirée à Avignon (huile sur toile, H. 81 ; L. 65 cm ; vente Paris, Aguttes, 30 mars 2011, lot 311).

Localisation de l´œuvre :

Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle, Germany

Website: www.kunsthalle-karlsruhe.de/

Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan