*P.286
Âge du modèle : 37 ans
Huile sur toile
Dimensions inconnues [en buste]
Localisation actuelle inconnue
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1692 pour 220 livres et 10 sols (ms. 624, f° 7 v° : « Mons[ieu]r de Vermont ») ; coll. Rigaud, 1715.
Bibliographie :
Guiffrey, 1891, p. 69 [cité] ; Colomer, 1973, p. 128 [cité] ; James-Sarazin, 2003, p. 330 [non localisé] ; Perreau, 2004, p. 15, 72 [non localisé] ; James-Sarazin, 2009/1, p. 51 [non localisé] ; Perreau, 2013, cat. *P.286, p. 98 [non localisé] ; James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.321, p. 111-112 [non localisé].
Descriptif :
Avec Jean Charles Collin (mort en 1709)1, Hubert François Collin de Blamont (mort en 1740) et Charles Collin des Tournelles, notre modèle, Nicolas Collin2, dit « de Vermont » (v. 1655-1742), faisait partie des intimes d'Hyacinthe Rigaud. Aux côtés du compositeur Michel Richard de la Lande, le peintre avait été l'un des témoins au mariage de Collin et de Jeanne Colette, célébré en l'église Notre Dame de Versailles, le 28 janvier 16903. Notre peintre fut d'ailleurs parrain de son troisième enfant, le peintre Hyacinthe Collin de Vermont, né le 19 janvier 1693, à qui léguera la plupart de son fond de peinture. Il assista également en compagnie de sa femme, comme « ami » lors de l'union de la seconde fille de Nicolas Collin, Marie Marguerite. Une autre fille, Élisabeth Charlotte était née en 1691 mais surtout François Collin de Blamont (1690-1760), compositeur célèbre de la Régence4 à qui Rigaud lèguera tous ses opéras en musiques ou en vers (près de 79 volumes imprimés ou manuscrits).
Collin acquit sa réputation comme musicien ordinaire du roi. Entré à la Chapelle dès 1686, il y chanta à la tessiture de Haute-taille. En 1717, il était titré « avertisseur de la musique de la chambre » et touchait 750 livres d'appointements annuels, auxquels s'ajoutèrent 200 livres de pension par an, dès 1720, avant de devenir vétéran de la musique du roi.
Son portrait, en buste, ainsi que ceux, en grand, de « MM. De Blamont et des Tourelles », ses frères, se trouvaient encore, en 1715, entre les mains du catalan qui les légua à cette date au fils cadet de Nicolas Collin, Hyacinthe Collin de Vermont (troisième testament du 28 juillet) :
« Donne et lègue à Hyacinthe Colin, son filleul, qui a embrassé l’étude de la peinture, toutes les estampes reliées en livre et non reliées, concernant les sujets d’histoire et paysages (avec le meilleur des manequins qui se trouveront). Plus les portraits originaux, en grand, des sieurs de Blamont et des Tourelles, ses oncles, et le portrait original, en buste, dud. s[ieu]rCollin, son père [notre modèle], qui n’ont point de bordure (à moins que lesd. sieurs ses père et oncle ne veuillent les avoir en leur possession durant leurs vies), avec toutes les bosses en plâtre qui se trouveront, dans la chambre qui est à costé de celle où les élèves dud. sieur testateur travaillent »5.
Un peu plus loin dans le testament, on voit Rigaud choisir pour exécuteur testamentaire le sieur Charles Collin des Tourelles, ingénieur et professeur de mathématiques, à qui il lègue d’ailleurs « sa pendule, de la façon du sr Oulry, sur laquelle est pour devise transeunt et imputant, avec une petit urne de porcelaine ancienne, garnie de bronze doré, et sa console qui est aussi de bronze doré »6. Les portraits des Collin ne furent cependant pas compris dans la vente du filleul, en 1761.
Le poète Alexandre Tanevot (1691-1773), fit de notre modèle un court éloge à l'occasion de la publication d'une pièce en vers dédiée à Hyacinthe Rigaud, leur ami commun7. On y apprend notamment que Nicolas Vermont avait également versé dans la peinture, sans doute encouragé par le portraitiste catalan dont il copia quatre portraits royaux, Louis XIV:
« J’ai l’honneur, Monsieur, de vous envoyer une petite Pièce de Vers que j'adresse au célébré M. Rigaud sur la perte d'un ami commun. C’étoit M. Collin, ancien musicien du Roy , qui est mort âgé de 89 ans, homme aussi respectable par ses mœurs et sa solide piété , qu’estimable par les differens talens dont il n’a jamais fait qu’une espèce d’amusement, & que sa modestie a laissé ignorer, autant qu’il lui a été possible ; Il a été, M. de ces personnes, qui satisfaites de s’occuper agréablement ne tiennent compte de produite leurs Ouvrages, & pour qui rien ne semble exister au-delà de leur Cabinet. C'est, je crois, le devoir d'un ami de les déceler. Je m’imagine qu’il est comptable an Public des heureux travaux qui font venus à sa connoissance, du moins lorsque la mort de ces Artistes solitaires lui en donne une entière liberté. La Musique fit une partie de l’éducation de M. Collin. La Nature l’avois doué d'une belle voix, qui l’ayant fait connoître de Louis XIV, engagea ce Monarque à se l’attacher, en le plaçant à la Musique de sa Chapelle. La tranquillité & même le loisir que cette situation lui procuroit, le portèrent à cultiver les dispositions qu’il avoit pour le dessein.
Il a laissé [note de l’auteur : Ces Portraits & beaucoup d’autres Ouvrages font usuellement dans le Cabinet de M. son fils, à Paris] entre autres Morceaux, les Portraits de Louis le Grand, de Monseigneur, de M. le Duc de Bourgogne du Roy d’Espagne, & de Madame de Maintenon. Ces Portraits font dessinés à l’Encre de la Chine, & on peut dire que ce font des chefs-d’œuvres en ce genre. Les quatre premiers font faits sur les Originaux peints par M. Rigaud & le cinquième d’après M. Mignard. Il n’a pas moins réussi dans la Miniature, & je puis citer avec confiance une Copie sur le Tableau d’un grandmaître, représentant Adam & Eve, & une autre qu’il a faite de l'excellent Tableau de saint Louis, de la main de Jouvenet, & placé dans la Chapelle de Versailles. Il s’est encore exercé avec le même succès dans le Pastel & dans la Gravure, & j’ai été témoin plusieurs fois des louanges que ses ouvrages ont reçûs par la bouche des plus grands Connnoisseurs.
Je me flate, M. que plein de goût & de zéle, comme vous l'êtes pour les talens, vous me sçaurez quelque gré de vous avoir fait connoître ceux dont je vous entretiens ici, & que possedoit un homme dont vous estimez le Fils depuis longtems. C’est M. de Blamont, Sur-Intendant de la Musique de la Chambre du Roy, mon ami intime, & à qui vous avez donné souvent de justes éloges dans votre Journal. Vous sçavez qu’il a un frère Professeur de l’Académie de Peinture, & très - distingué dans son Art. Je ne puis me dispenser d'ajouter à leur occasion, que les talens semblent être affectés à leur famille.
Ils ont eû deux oncles paternels, dont l’un est mort Lieutenant Colonel du Régiment de Lenoncourt, qui ont excellé dans les Mathématiques, le Génie, le Dessein & même la Peinture. M. Collin a laissé encore deux, filles. L’aînée est veuve d'un Officier du Roy. La cadette a épousé M. Mouchot, inspecteur Général de la Manufacture du Tabac, au Havre. Que n’aurois-je point à vous dire à leur sujet, si je ne craignois de blesser leur modestie ? Qu’il me soit permis du moins, pour supléer à mon silence, de vous assurer que vous ne sçauriez penser d’elles trop avantageusement.
A M. Rigaud, Peintre ordinaire du Roy, sur la mort de M. Collin, ancien Musicien du Roy
Sèche, sèche tes pleurs, et des yeux de l’esprit
Contemple dans le Sein de la Béatitude
Ton ami, dégagé de notre servitude,
Posséder le seul bien que ton âme chérit.
Vois ce sage Vieillard, prosterné près du Trône
Qui brille avant les tems d’un éclat immortel
Des élus triomphans recevoir la Courone,
Et l’offrir en hommage aux pieds de l’Eternel.
Ta foi t’a révélé ces Mystères Augustes ;
Le Juste maintenant pleure la mort des Justes ;
C’est pour eux que le Ciel réserve ses trésors,
Et le Dieu d’Abraham n’est pas le Dieu des Morts.
Oui, tu le sais, Rigaud ; j’ai vu ta douleur tendre,
Lorsque de ton ami tu couronnoi la cendre,
Et que tu retraçois ses exemples pieux,
D’un vol anticipé le suivre dans les Cieux.
Je l’ai vu ; quel spectacle aux yeux d’une famille,
Aux yeux de ces enfans qui sembloient en ce jour
Entre leur père et toi partager leur amour !
J’ose le dire ; en eux le même zèle brille ;
De ton ami fidèle ils te donnent les droits ;
Leur cœur réclame aussi tout ce que tu leur dois ;
Mais quoi ? Tu les préviens, ton amitié sincère
Tient lieu d’adoption, et tu leur rends un Père. »
2. L'orthographe du nom varie de Collin à Colin, suivant le propre usagedes membres de cette famille que nous avons pu consulter.
3. Archives départementales des Yvelines, Notre Dame de Versailles. 1080398, fol. 65 r° ; Contrat de mariage passé la veille, arch. dep. des Yvelines, 3E39.
4. Voir Benoît Dratwicki, La Musique à la cour de Louis XV. François Colin de Blamont (1690-1760) : une carrière au service du roi, Presses universitaires de Rennes, 2016.
5. Guiffrey, 1891, p. 69.
6. Ibid., p. 71-72.
7. Lettre de M. Tanevot, écrite à Versailles à M.D.L.R. le 31 décembre 1742 », Mercure de France, décembre 1742, 2e volume, p. 1840-1843. Cité par Colomer, 1973, p. 73-74.