PASSERAT Alexandre

Catégorie: Portraits
Année : 1699

 

P.sup.3*

Huile sur toile
H. 118,5 ; L. 86.
Espagne, collection particulière.

Signature apocryphe rapportée au dos après rentoilage : « M[onsieu]r Passerat / peint / par Hyacinthe Rigault »
Marque apocryphe apposée sur la tranche d'un livre : « H. Rig. »

Historique :

Original absent des livres de comptes et connu par la mention de copies en 1709 ; Barcelone, collection particulière ; Barcelone, galerie Arthur Ramon Art en 2017 ; vente Paris, espace Tajan, Tajan, 18 décembre 2019, lot. 20 (invendu) ; vente Paris, Artcurial, 9 novembre 2021, lot. 84 (invendu) ; vente Cologne, Lempertz, 18 novembre 2023, lot 2079*** (vendu 44100 euros).

Bibliographie :

Perreau, 2013, cat. PC.626, p. 148 [Monsieur Passerat] ; James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.652, p. 222 [lecture fautive du manuscrit et assimilation erronée la mention du travail de Leprieur à un portrait de Madame Passerat] ; Perreau, « Le chirurgien Passerat par Hyacinthe Rigaud : un nouvel opus inédit » www.http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com, 18 juillet 2017, http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com/2017/07/le-chirurgien-passerat-par-hyacinthe-rigaud-un-nouvel-opus-inedit.html

Copies et travaux :

  • 1709 : « une [copie] en buste de M[onsieu]r Passerat » pour 75 livres (ms. 624, f° 30).
  • 1709 : Adrien Leprieur reçoit 24 livres pour « une copie de M[onsieur] Passerat » (ms. 625, f° 25 v°).

Œuvres en rapport :

  • 1. Huile sur toile d'après Rigaud. H. 55 ; L. 41 cm. Inscription apocryphe sur la toile, en haut à gauche : « M. PASSERAT ». Vente Blois, étude Valoir Pousse-Cornet, 27 octobre 2018, lot. 38 (« école française du XVIIIe siècle »)**.

Descriptif :

Comme nous avions supposé dès 2013, et contrairement à ce qu'ont indiqué successivement Roman puis d'autres auteurs plus récemment1, les livres de comptes d'Hyacinthe Rigaud gardent la trace de l'existence probable d'un portrait de Monsieur Passerat. En 1709, Adrien Leprieur fut en effet chargé de travailler sur un copie du portrait original payé 75 livres par un commanditaire. L'abbréviation « Mr » pour « Monsieur » clairement visible en lieu et place de « Me » pour « Madame », se trouvait appuyée par le simple « M. » à la mention du travail de Leprieur. 

 

 

La réapparition du portrait d'Alexandre Passerat en collection privée (et que l'on nous a récemment soumis à l'étude), prend alors tout son sens. Probablement rentoilée au début du siècle mais ayant conservé une trace de l'identité du modèle grâce à une inscription apocryphe, la composition totalement inédite montre le client jusqu'aux genoux, tourné vers la gauche, arborant une perruque relativement basse, aux cheminées écartées selon la mode des années 1695-1700. La main droite levée, l'index pointé vers le spectateur en un élégant mouvement de montre, Passerat tourne délicatement de l'autre les pages d'un volume sur l'une desquelles on voit, esquissés, un tibia et un crâne. La représentation ostensible par l'artiste de ces détails suffit à corroborer la fonction du modèle.  

Parisien, prévôt de l'ordre des chirurgiens de Paris, Alexandre Passerat fit pendant sa vie le principal ornement de ce corps, nous avouera le Journal des Savants de 1715 (t. 66, p. 210) : maître ès arts en l'Université de Paris, il naquit « avec toutes les qualitez de coprs é d'esprit qui peuvent rendre un homme infiniment aimable ». Surnommé le « beau Passerat » par Madame de Sévigné, celui qui tenta de sauver le compositeur Jean-Baptiste Lully du trépas que lui causa son accident de bâton de direction, « cultiva par un travail assidu les heureux talens qu'il avoit reçûs de la nature. Il joignit à la connoissance de sa Langue, qu'il parloit & qu'il écrivoit avec toute la politesse & tout l'agrément possible, celle du Grec, du Latin & de l'Italien. Il étoit bon Physicien, habile Anatomiste, excellent Opérateur, instruit à fond de la théorie de sa profession, dont il avoit lû tous les Auteurs, tant anciens que modernes. Il avoit un attachement inviolable aux véritables intérêts de sa Compagnie dont il a toujoûrs soutenu l'honneur & la Discipline avec beaucoup de fermeté. Son éloquence naturelle jointe à son grand sçavoir, engagea sa Compagnie à le choisir pour faire l'ouverture de l'Amphithéatre anatomique de S. Cosme, nouvellement construit ; & l'on peut dire que dans cette action célèbre, il mit le combre à la grande réputation qu'il s'étoit acquise en semblables occasions. En un mot, on peut assurer que comme les siècles passez n'ont vû paroître en France presque aucun Chirurgien qui lui soit comparable, la postérité n'aura pas moins de peine à trouver des sujets qui puissent dignement le remplacer. Il mourut en 1702 [ndr : 12 septembre]2, regretté de tous ses confrères, dans la mémoire desquels il vivra toûjours. »

Si cette éloge de M. Devaux, paru dans le Journal des sçavans nous dresse un portrait très idéalisé d'Alexandre Passerat, l'œuvre de Rigaud n'en est pas moins éloquente, restée inachevée par le décès de son modèle dans sa maison de la rue Neuve-des-Petits-Champs, non loin de son peintre.

À l'exception du visage, beaucoup plus fini dans ses carnations et dans la psychologie des traits, l'ensemble de la composition présente un aspect brossé et une matière pas tout à fait lissée (comme dans le manteau) qui témoigne avec force d'une des dernières étapes du travail de Rigaud. La main sur le premier livre, reposant sur deux autres volumes posés à plat, accuse même quelques repentirs dans les doigts. Les dentelles sont peu piquées et le large manteau pourpre jeté sur les épaules de Passerat, étonne par son aspect graphique dû à sa matière apposée par large touches. Tous les éléments de l'art du maître sont pourtant là et l'on devine qu'il suffisait à Rigaud de retravailler les fondus lors de séances plus poussées.

Au bas de la composition, on devine également le piètement à peine esquissé, mais richement ouvragé de la table à dessus de marbre vert veiné, élément récurrent des portraits de l'artiste dans les dernières années précédant le nouveau siècle, à l'intar de celle utilisée dans l'effigie du président Durey ou du procureur Secousse pour ne citer qu'eux. Ce dernier élément permet de proposer une date relativement proche de confection du portrait de l'épouse d'Alexandre Passerat, réalisé pour sa part en 1699.

Le couple aura notamment, un fils, Eustache, Capitaine de cavalerie au service du Roi d'Espagne, marié à Anne Bourgoin (voir l'inventaire après décès de cette dernière, réalisé le 23 février 1736. Paris, arch. nat. ét, LXVII, 496).

 

Mises à jour : * 23 juillet 2017 (création de la fiche) ; **12 septembre 2018 ; *** 27 octobre 2023


1. James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.652, p. 222. L'auteur indique à propos des travaux de 1709 : « Le rédacteur du manuscrit indique bien Madame et non Monsieur ».

2. Son inventaire après décès est réalisé devant Jean Renard. Arch. nat. ét, CXVII, 188.

 

 

Poser une question à propos de cette oeuvre
Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan