P.222
Âge du modèle : 79 ans
Huile sur toile
H. 140 ; L. 111 cm
Versailles, musée national du château. Inv. 7509, MV3578, MR 2392
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1691 pour 180 livres (ms. 624, f° 6 v°, rajout de Hulst : « M[onsieu]r Mignard premier peintre du Roy ») ; commandé par le modèle pour l’Académie dès 1690 ; Exposé au salon de 1704 [Jules Guiffrey, Collection des livrets des anciennes expositions depuis 1673 jusqu’en 1800, Salon de 1704 – III, Paris, Liepmannssohn et Dufour, avril 1869, p 40 (Trumeau sur la cour), troisième rang : « Feu M. Mignard, premier peintre du roi, directeur de l’Académie »] ; collection de l’Académie en 1712 ; saisie révolutionnaire en 1793 ; mentionné au Louvre en 1796 ; entré à Versailles sous Louis-Philippe en 1842). Versailles, musée national du château. MV3578 (ancienne collection Acad. Royale).
Bibliographie :
Rigaud, 1716, p. 116 ; Hulst/2, p. 152 ; Hulst/3, p. 172 ; Dezallier d’Argenville, 1745 (1762), IV, p. 312 ; Crayen, 1789, n° 59, p. 30 ; Guiffrey, 1869, p. 40 ; Guiffrey, 1883-1885, IV (1884), p. 44 et suivantes ; Montaiglon, 1881, p. 139 ; Montaiglon, 1893, p. 54, 129, 138 ; Fontaine, 1910, p. 39, 58, 158 ; Roman, 1919, p. 25, 146 ; Hourticq, 1921, p. 160 ; Gallenkamp, 1956, p. 185-186 ; Colomer, 1973, p. 126 ; Cantarel-Besson, 1981, II, p. 240 ; Hardouin, 1992, p. 177-179, n° 58 ; Constans, 1995, II, p. 754, n° 4257 ; Bajou, 1998, p. 260-261 ; Le Leyzour et Daguerre de Hureaux, 2000, p. 166 [Hardouin] ; Brême, 2000, n° 57, p. 70, n° 58, p. 56 ; James-Sarazin, 2003, p. 57, 318, 331; Perreau, 2004, p. 18, 36-37, 39 ; Brême & Lanoe, 2013, p. 80 ; Perreau, 2013, cat. P.222, p. 89 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.225, p. 79 [1690 (2003/2, cat. I, n°144)].
Expositions :
1968, Lille, n°82 ; 1990, Paris, p. 60.
Œuvres en rapport :
- 1. Pierre noire, lavis gris, rehauts de blanc sur papier bleu d’après Rigaud par Montmorency. H. 36,8 ; L. 28,4 cm. Collection particulière. Elaboré à partir de 1708 ; Vente du baron*** [du Theil du Havelt], Paris, Hôtel Drouot, 19 mars 1906, lot 49 [=atelier de Rigaud], repr. p. 46 du catalogue ; vente Paris, Hôtel Drouot (Loudmer), 1er juillet 1991, lot 12 [=atelier de Rigaud] ; Collection particulière ; Paris, gal. Coatalem, 2010 [=Rigaud] ; Collection particulière 2012 (voir Roman, 1919, p. 146 ; Portalis, 1880-1882, III, p. 514, 524 (n°39) ; Crayen, 1789 ; James-Sarazin, (1999) 2003, p. 318 (note 77) ; Brême, 2000, n°57, p. 70, repr. p. 56).
- 2. Huile sur toile ovale d’après Rigaud, H. 43,5 ; L. 35,3 cm. Troyes, musée des Beaux-arts. Inv. 33.4.1 (copie offerte par Rigaud à la comtesse de Feuquières ; mutilé en 1793 ; vente. St-Germain-en-Laye, 15-17 mars 1847 ; coll. Conrad de Bréban ; legs Thiessert, 1933).
- 3a. Gravé par Georg Friedrich Schmidt pour sa réception à l’Académie en 1741 (achevé en 1744). H. 49,9 ; L. 36,1 cm. Cinq états connus dont une en couleur. En bas de l’estampe : « Pierre Mignard, / Ecuyer, Premier Peintre du Roy, Directeur & Chancellier en / son Académie, de Peinture & de Sculpture / Peint par Hyacinthe Rigaud en 1690 - Gravé par Frédéric Schmidt pour sa Réception à l’Académie 1741. » Voir Eudel, 1910, p. 14 ; Brême, 2000, p. 56, cat. 58, p. 70, repr. p. 71 ; Kingston, Montréal, Londres, Regina, Kitchener, 1982-1983, p. 129-131.
- 3b. Gravé par Étienne Ficquet en buste, burin : « Hiacinte Rigaud Pinx. - Fiquet Sculp. / PIERRE MIGNARD / 1er Peintre du Roi, directeur et garde général des / Tableaux et des Dessins de sa Majesté &c, Né à Troyes / en Chãpagne en 1610, mort le 13 Mars 1695. âgé de 80 ans. ». H. 9 ; L. 7,3 cm.
- 3c. gravé par Gilles Edme Petit, s.d.
Copies et travaux
- 1708 : « Un dessein de m[onsieu]r Mignard » par Monmorency pour 6 livres (ms. 625, f° 24).
Descriptif :
Les livres de comptes permettent sans équivoque de situer l’achèvement de ce portrait en 1691. Pierre Mignard (1612-1695), « si illustre par son pinceau » selon Saint-Simon, anobli par le roi en 1687, nommé premier peintre, venait de succéder en cette année 1690 à Charles Lebrun à la tête de l’Académie et, fidèle à son désir de protection, il sollicita le jeune Rigaud pour un portrait qui devait être ensuite offert à l’auguste institution. Il semble que la toile resta en possession de son auteur puisque Rigaud l’expose en guise d’hommage au Salon de 1704, avant d’en faire don à l’Académie en 1712. L’œuvre fut donc mise en représentation aux côtés du magistral portrait de Charles Lebrun peint en 1686 par Nicolas de Largillierre (Paris, musée du Louvre). Mignard confectionna également son propre autoportrait dès 1690 (Paris, musée du Louvre) très proche dans sa confection de celui de Largillierre, et que sa fille, Catherine, comtesse de la Feuquières, offrit ensuite à l’Académie en 1696. L’amitié entre Mignard et Rigaud fut sans doute plus étroite encore qu’on ne le pense puisque les deux artistes avaient en commun d’étroits liens avec le sculpteur Martin Desjardins que Rigaud peignit à trois reprises. Desjardins fit d’ailleurs de Mignard un buste en marbre à la psychologie étonnante et à la magistrale fougue pour l’offrir à la comtesse de Feuquières en 1695. Cette dernière en fit dont à l’Académie en 1726 (Paris, musée du Louvre).
Sans doute Rigaud assista-t-il aux somptueuses funérailles de son protecteur et ami en l'église Saint Roch et accompagna sa dépouille aux Jacobins. Alors que Mignard avait glorifié ses propres traits au sein d’une mise en scène ronflante rappelant ses charges, le jeune artiste catalan choisit de concentrer son talents sur l’expression pure dans un tableau tout emprunt d’une lumière diffuse et centralisée sur le modèle, laissant le reste du décor dans une atmosphère d’ombre propre aux peintres du nord. Si Mignard et Le Brun étaient notoirement en proie à une rivalité acharnée, Hyacinthe Rigaud sut garder leur amitié conjointe puisque c’est notamment Le Brun, rappelons-le, qui conseilla au catalan de ne point faire son voyage à Rome que son prix de 1682 autorisait, afin de se consacrer au portrait. Près de quarante ans après son œuvre, Rigaud aura d’ailleurs l’occasion de réunir les deux rivaux, non sans malice, au sein d’un dessus de porte que lui commandera François de Castanier [P.1363].
Pour que le jeune graveur Schmidt puisse réaliser une estampe dont on s’accorde à louer la qualité, le portrait de Mignard fut momentanément rendu à Rigaud sans sa bordure vers 1741 et s’y trouvait encore à la mort du catalan, comme il appert de la levée des scellés après la mort de Rigaud le 29 décembre 1743 (voir annexes). L’Académie dépêcha donc le recteur Pierre-Jacques Cazes et le professeur Jean Restout pour venir récupérer le tableau. Le portrait se trouvait alors dans ce que les actes appellent la « salle aux tableaux, […] grande chambre ayant veue sur la cour de lad. maison ». Le récit nous informe sans doute à tort que, d’après Cazes et Restout, le portrait de Mignard constituait le morceau de réception à l’Académie de Rigaud (p. 54). En intégrant le dessin figurant Mignard à son exposition, Dominique Brême a pensé qu’il pouvait s’agir d’une œuvre autographe de Rigaud, ou du moins retouchée par lui après que Montmorency ait esquissé le travail et en ait été payé en 1708. Très vraisemblablement ce dessin fut-il élaboré en vue de la transposition du portrait de Mignard à la gravure par Georg Friedrich Schmidt (1712-1775) pour sa réception à l’Académie en 1741, nous venons de le voir. Les relations entre Rigaud et Schmidt furent, comme l’on sait, très étroites à l’instar de celles que le peintre entretenait avec le graveur Wille : « Ce fut Hyacinthe Rigaud qui décida de sa fortune. […] Encouragé par la bienveillance et les bontés de l’illustre peintre, il s’ouvrit à lui son ardent désir d’arriver, de la confiance qu’il se croyait en droit d’avoir en lui-même, de sa conviction qu’il ne lui manquait qu’une occasion pour se montrer un graveur absolument supérieur » (Portalis). D’ailleurs, c’est sur les instances de ses amis, et après le succès de sa première œuvre d’après Rigaud, le portrait gravé du comte d’Évreux, que Schmidt résolu d’entrer à l’Académie. Parce qu’il était protestant, c’est encore Rigaud qui fit intervenir le contrôleur général Orry : « Messieurs, Monsieur Schmidt, graveur a supplié le roi de faire, en sa faveur, une exception à la loi qui défend de recevoir aucun protestant dans les Académies royales, et de permettre qu’il se présente dans l’Académie de peinture et de sculpture. Sa Majesté, ayant égard au mérite particulier de M. Schmidt connu pour s’être distingué dans la gravure, approuve sa demande […] » (Lettre d’Orry à l’Académie du 3 mai 1742 citée dans Crayen, 1789). Le morceau de réception fut achevé en 1744.
Portalis relate ce qu’on en pensait du vivant du graveur : « le portrait de Mignard, premier peintre du Roi, peut passer à juste titre pour le chef-d’œuvre de Schmidt ; car, en même temps qu’il y a fait montre de toutes les ressources de son burin, il a donné à l’ensemble de ses travaux une souplesse et une harmonie qui ne laissent aucune prise à la critique. En un mot, il y évita complètement cette tendance à la régularité savante, mais froide, qui donne aux planches ce que l’on a justement appelé l’aspect métallique » (p. 514)