PC.914
Âge du modèle : 45 ans
Huile sur toile
H. 118 ; L. 91.
Localisation actuelle inconnue
Historique :
ms. 624, f° 24 v° (« M[onsieu]r le prince de Monaco. [rajout :] Habillement répété. ») ; Inv. coll. Grimaldi, 1731, n°212 [C227] « autre portrait du Prince Ant[oin]e premier, haut sept petits pans et Large cinq pans, cinq poulces, comprise l’epaisseur de huit poulces, dorée et sculptée de Rigaud, Peintre de Paris » ; Paris, collection Jacques 1er Grimaldi-Matignon ; par descendance ; vente 4 juillet 1803 ; vente Paris, hôtel Drouot, 14 mars 1986, lot 16.
Bibliographie :
Labande, 1918, p. 40, 165 ; Roman, 1919, p. 121, 128 ; Malingue et Jardot, 1942, p. 49 ; Lisimachio et Maurois, 1964, p. 51 ; Country Life, 18 juillet 1991, p. 68 ; Perreau, 2004, p. 202, 205 ; Rosenberg et Mandrella, 2005, n° 980, p. 168-169 ; Marcheteau de Quincay, 2006, p. 17 ; Perreau, 2013, cat. PC.914, p. 198 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.950, p. 321-322 (original en localisation inconnue).
Œuvres en rapport :
- 1. Huile sur toile. H. 144 ; L. 113. Monaco, collections princières.
- 2. Huile sur toile d’après Rigaud. H. 141 ; L. 92,5 cm. Vente Rome, Bloomsbury, 19 mai 2009, lot. 143. Anciennement à la villa « Il Mare » à Monte-Carlo depuis le 19e siècle jusque dans les années 1950 ; passé dans une collection génoise. Identifié selon Ariane James-Sarazin (auteur de la notice dans le catalogue de vente) comme l’original. Hypothèse reprise par Marcheteau de Quincay en 2006.
- 3. Huile sur toile d’après Rigaud. H. 129 : L. 97. Münich, Residenz München (Bayerische Verwaltung der Staatlichen Schlösser, Gärten und Seen). Inv. N° ResMü G 1212. Voir Rosenberg & Mandrella, 2005, n°980, p. 168-9, repr. (comme « comte de Gorcé [sic] »).
Copies et travaux :
- 1706 : Delaunay est rétribué 21 livres pour avoir fait « l'habit de M[onsieu]r de Monaco » par Delaunay pour 21 livres (ms. 625, f°20).
Descriptif :
Appelé à succéder en 1701 à son père comme 3e prince de Monaco, à une époque où la guerre agitait les grandes puissances de l’Europe, Antoine 1er Grimaldi (1661-1731), Duc de Valentinois eut, dès son avènement, les meilleures raisons pour développer ses talents et satisfaire ses goûts épistoliers. Dernier représentant mâle légitime de la maison de Grimaldi, famille noble de Gènes, du parti Guelfe, mentionnée dès le XIIe siècle, Antoine 1er était le fils de Louis 1er Grimaldi (1642-1701), prince de Monaco (1662) et de Catherine-Charlotte de Gramont (1639-1678), fille d’Antoine III, Duc de Gramont dit « M. le Grand » qu’il avait épousé au château de Pau le 30 mars 1660. Né à Paris le 25 janvier 1661, il avait fait toute son éducation en France. Elève de la fameuse académie royale d’équitation, tenue par l’écuyer du roi, Jacques Bernardi, près de l’Hôtel de Condé, il se distingua par une intelligence très vive et par une réelle aptitude pour les exercices physiques. Grand, bien fait, souple, de manières agréables, il avait très bon air. À 18 ans, ses parents le firent voyager en Italie, en Allemagne et en Hollande ; voyages dont il a fait lui-même une relation dans son journal. De retour à Paris, il prit du service dans l’infanterie et fit campagne à Philipsbourg, prit part à la bataille de Fleurus, aux sièges de Mons et de Namur. Son goût pour les armes transparaît tout au long de sa correspondance son confident, l’auditeur-général Bernardoni : « J’ai toujours eu, comme bien savez, la marotte de me croire un peu plus que passablement initité dans les détails de l’infanterie ». L’on dit que sa belle-mère, Catherine de Neufville de Villeroy, poussa Louis XIV à ne point le nommer brigadier, poussant le prince dans une sorte de disgrâce qui le fit démissionner de l’armée. Désormais « bourgeois de Paris après quinze ans de service » (selon sa propre expression), Antoine I partit s’isoler dans son rocher de Monaco, aux portes de l’Italie, sorte d’observatroire privilégié des politiques européennes. Cependant, lorsqu’il revenait à Versailles, et grâce à une correspondance nourrie, le monarque monégasque donna toujours l’impression de n’avoir quitté la cour que la veille. Louis XIV l’aurait ainsi toujours gracieusé et n’aurait pas hésité à lancer, à l’issue d’un des séjours du prince : « Adieu, M. de Monaco, portés-vous bien, comptez que vous emportez mon estime, mon amitié et ma confiance »[1]. Cette éclatante marque d’estime permit alors au duc d’Aumont, futur ambassadeur en Angleterre de s’écrier : « Messieurs, 4.000 pistoles à gagner à qui veut descendre et répéter à Mme d’Armagnac ce que le Roi vient de dire à M. de Monaco ! »… manière habile et cinglante de pointer du doigt l’influence néfaste de la belle-mère de son ami. Au delà de l’anecdote, on comprend le choix que fit Antoine 1er de Hyacinthe Rigaud pour immortaliser ses traits : un peintre qualitatif, courtisé, représentatif du faste français et propre à sublimer par ses pinceaux la haute destinée des hommes de guerre.
En 1697, Saint Simon avait décrit le prince père comme un « fort honnête homme » qui « avait toujours passé pour tel ; d'ailleurs il avait deux gros yeux d'aveugle, éteints, et qui en effet ne distinguaient rien à deux pieds d'eux, avec un gros ventre en pointe, qui faisait peur tant il avançait en saillie. » (Mémoires, I, ch. 25)[2]. Antoine 1er Grimaldi recueillit la succession de son père, en 1707. Il était, depuis le 13 juin 1688, l’époux de la princesse Marie de Lorraine (1674-1724). Épistolier de race, mécène éclairé, l'homme entretint une correspondance abondante avec les personnalités les plus marquantes de son temps à l'instar du Maréchal de Tessé.
Dès 1699, Antoine 1er Grimaldi fréquenta Rigaud puisqu’il achète 84 livres une copie du portrait du Grand Dauphin, réalisée depuis 1697. Il n’est pas étonnant que le prince ait souhaité de l’artiste la même posture pour son propre portrait, à l’exemple d’un bon nombre de militaires ayant servi sous les ordres du fils du roi. Cependant, le prince monégasque souhaita personnaliser son portrait en subtituant à la simple bataille de fond, une représentation du rocher de Monaco vu de la Condamine et de la baie dans laquelle on aperçoit un navire. L’exemplaire présenté actuellement au palais princier est, selon nous et le conservateur du palais, l’une des copies qui furent réalisées sur le Rocher du vivant du prince, mais en dehors de l’atelier de Rigaud. De forts repeints sur le visage notamment empèchent de juger de sa qualité mais le fond de la scène est nettement inférieur en qualité à la version vendue à Paris en 1986. À la mort du prince, sa collection fut dispersée et partagée et l’original retourna en France. Le modèle pris avec variantes sur celui du « militaire brandissant un bâton de commandement ».
Selon une lettre inédite de l’abbé de Monaco du 9 août 1705, on sait que le portrait original venait tout juste d’être terminé : « J’ai vu chez Rigault votre portrait achevé : il est en perfection : La ressemblance y est toute entière. La perruque est peinte d’une legereté charmante. L’habillement est traitté avec beaucoup de soing. En un mot il ne manque rien à ce Tableau là que la parole. J’avois fort envie d’en faire tirer une copie, mais Silvy m’a montré des ordes si précis, et reitérez de vostre part pour le faire poster, que je n’ay point osé passer outre. » Dans une autre du 23 septembre 1707, on apprend qu’aucune copie ne circulait alors à Paris : « J’ay fait chercher par tout Paris s’il n’y auroit point une copie du dernier tableau de Rigaud ; je n’en au pû trouver : aparament qu’il n’y en avoit point » (Archives de Monaco, C 148).
Sur la plupart des copies, le prince est représenté sans le cordon de l’ordre du Saint-Esprit, mort avant de le recevoir, alors qu’il avait été nommé en 1724.
[1] André Le Glay, Lettres du maréchal de Tessé au prince Antoine 1er de Monaco, Monaco, Paris, 1917, p. 11.
[2] La disparition du prince-ambassadeur à Rome est également relatée par Saint Simon en 1701 (T ; 3, chap. 4) : « La mort d'un plus grand seigneur fit moins de bruit et de vide. Ce fut celle de M. de Monaco, ambassadeur à Rome, qui y fut peu regretté, comme il y avait été peu considéré; [il avait] très médiocrement soutenu les affaires du roi, et [été] très peu soutenu de la cour. On en a vu les raisons. C'était un Italien glorieux, fantasque, avare, fort bon homme, mais qui n'était pas fait pour les affaires, avec cela gros comme un muid, et ne voyait pas jusqu'à la pointe de son ventre. Il avait passé sa vie en chagrins domestiques, d'abord de la belle Mme de Monaco, sa femme, si amie de la première femme de Monsieur, et si mêlée dans ses galanteries, et elle-même si galante et qui, pour se tirer d'avec son mari, se fit surintendante de la maison de Madame, la seule fille de France qui en ait jamais eu. Elle était soeur de ce galant comte de Guiche et du duc de Grammont. Sa belle-fille ne lui avait pas donné moins de peine, comme on a vu ici en son temps, et le rang qu'elle lui avait valu le jeta dans des prétentions dont pas une ne réussit, et qui l'accablèrent d'ennuis et de dégoûts qui portèrent à plomb sur les affaires de son ambassade. »