P.99
Huile sur toile
H. 114 ; L. 107 cm
Zürich, Kunsthaus, Kellersche Sammlung. Inv. 210 (cat. 1854).
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1686 pour 330 livres (ms. 624, f° 3 : « Mad[am]e Kelair [rajout : Keller], Marie ») ; entré au musée en 1854 ; dans une communication écrite du 17 décembre 1987, Mary O’Neill propose ce tableau comme atelier de Rigaud.
Bibliographie :
Hulst/3, p. 170 ; Mariette, 1740-1770, III, f° 48 v°, n° 101, VII, f° 1 ; Lelong, 1775, p. 214 ; Roman, 1919, p. 11 ; cat. Zürich, n° 440 ; Thieme et Becker, [1949]-1978, XX, p. 95 ; Perreau, 2004, p. 160, 161 ; Levallois-Clavel, 2005, I, p. 55, 161 ; ibid. II, p. 233, cat. P. Dr. N° 109 ; Perreau, 2013, cat. P.99, p. 74 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.100, p. 43 (2003/2, cat. I, n°83).
Œuvres en rapport :
Descriptif :
L’identification de la toile conservée à Zürich fut rendue possible grâce à l’estampe de Drevet. Toutefois, la lettre fragmentaire de celle-ci et l’état tout aussi lacunaire de l’actuelle généalogie ne permettent pas de dire avec certitude si ce personnage féminin était bien Suzanne de Boubers de Bernâtre (morte en 1729) épouse depuis le 9 février 1682 du fondeur Hans-Balthasar Keller vom Steinbock (1638-1702), peint par Rigaud en 1685 ou « Marie » Keller, si l’on se fie au rajout à même l’exemplaire de l’estampe conservé à la Bibliothèque Nationale de France[1].
Les deux frères Keller, Hans-Balthasar et Johann-Jacob, étaient respectivement commissaire général et commissaire ordinaire des fontes de l’Artillerie de France. Mais le premier n’obtint son titre qu’en 1697 conjointement avec celui d’inspecteur de la grande fonderie de l'arsenal royal. Ne pouvait-il être alors considéré jusque-là comme commissaire ordinaire ? Si l’on prête foi à la lettre de l’estampe de Drevet (suivie par Mariette), nous aurions à faire à l’épouse de Johann-Jacob ; ce dernier n’ayant pourtant jamais été portraituré par Rigaud. Pourtant, le même Mariette se contredit au tome VII de ses notes manuscrites en décrivant le personnage comme « femme de Jean Balthazar Keller, Commissaire général des fontes […] ». Si Lelong est du même avis que Mariette mais donne la date erronée de 1690 pour la confection de la gravure, force est de constater que les historiens ultérieurs n’ont pas pu se fixer avec certitude : Firmin-Didot fait de Mme Keller l’épouse de Hans-Balthasar et récemment, Mme Levallois-Clavel pense qu’il faut y voir l’épouse de Johann-Jacob tout en identifiant le portrait masculin de 1685 comme l’aîné des Keller… En l’absence d’éléments nouveaux, nous ne pourrons trancher sur l’identité de ce personnage.
Différents dictionnaires biographiques allemands nous informent que Suzanne de Boubers aurait été la fille que Daniel (v.1615-ap.1699), seigneur et vicomte de Bernâtre et Boismont, capitaine de cavalerie au régiment d’Esquancourt, avait eu de sa première épouse, Suzanne Roussel de Miannay, épousée le 28 janvier 1659[2]. La terre de Bernâtre (au nord de la Somme en Picardie) avait appartenu jusqu’en 1320 à la famille Rayneval puis aux Boubers par l’alliance de Mahaud de Rayneval avec Jean de Boubers, chevalier, seigneur de La Motte des Auxi. Plusieurs générations plus tard, Henry-Louis de Boubers, chevalier, seigneur de Miannay, capitaine du régiment Wallon de Soire, sera maintenu dans sa noblesse (1699), avec ses enfants qu’il avait eu de son mariage en 1691 avec Madeleine d’Orthe. Son grand-père, Daniel de Boubers, écuyer, seigneur de Bernâtre, Helliers et Monchaux avait épousé en 1614 Madeleine de Boubers dont il eut sept enfants. Parmi eux, une Suzanne de Boubers épousa le 3 août 1644 Jean VI de Houdetot, chevalier, seigneur d’Alimbu. Peut-être s’agit-il d’un premier mariage… Notons que l’attitude de la main de Mme Keller, cueillant une fleur, se retrouve sur un dessin que nous attribuons à Rigaud (anciennement Largillierre) et figurant une jeune fille accompagnée d’une étude de main. Récemment, une toile reprenant la même attitude (Allemagne, collection privée) semble prouver que son auteur s’est inspiré d’un modèle probable du catalan. L’originalité de la couleur jaune-orangée pour le traitement de la robe, très rare chez Rigaud doit être relevée.
[1] Est., Ed 99b rés., in-fol.
[2] Belleval, 1861-1864, I, p. 68.