*P.777
Âge du modèle : 20 ans
Huile sur toile
Dimensions inconnues [buste]
Localisation actuelle inconnue.
Historique :
Mentionné au titre des copies de 1702.
Bibliographie :
Roman, 1919, p. 96 [f] ; Perreau, 2013, cat. *P.777, p. 174 ; James-Sarazin, 2012, I, p. 220-226, II, cat. *P.779, p. 263 [date de décès inconnue].
Copies et travaux :
- 1702 : Fontaine reçoit 12 livres pour « un buste de m[ademoise]lle Castillon » (ms. 625, f° 14 v°).
Pour cet item, Roman proposa sans grande conviction « une demoiselle de Castillon, fille de Jean de Castillon, seigneur de Mauvezin et de Carboste, morte sans s’être mariée vers 1730 ». Cependant, la proximité entre le travail d'Éloi Fontaine et le projet de mariage, en 1703, entre Rigaud et Marie-Catherine Chastillon (v. 1682-1740) plaide pour une réattribution en faveur de l'effigie de la jeune promise (1). C'est en effet le 17 mai 1703 que le peintre passa devant le notaire Noël de Beauvais pour se lier à la jeune femme, fille de Charles de Chastillon (mort le 19 mars 1709), procureur au parlement, demeurant rue des Prouvaires, paroisse Saint Eustache et de Marie Dubuisson (inhumée le 28 juillet 1694) (2). Il paraît donc tout naturel que le peintre ait eu à représenter les traits de sa promise.
Si l'on ne connaît pas véritablement les circonstances qui présidèrent au projet d'union, on sait que l'artiste comprenait dans sa clientèle plusieurs membres de la famille des Chastillon. En effet, Marie Dubuisson, la mère de Madamoiselle de Chastillon avait été l'un des témoins du mariage, célébré le 29 novembre 1682, entre Marie-Anne Lhuillier, nièce du fermier général Alexandre Lhuillier et Nicolas François, chevalier, seigneur de Montbayen, conseiller du Roy, trésorier de France et général de ses finances au bureau de Chalons, généralité de Champagne. Lhuillier, « d'une bonne et grande famille de Tours », avait en effet sollicité Rigaud dès 1693 et demeura longtemps dans son aréopage, logeant rue Coquillère puis sur la paroisse Saint Roch, entre la rue Sainte-Anne et la rue Moncauseil. Quant aux Chastillon, ils habitaient rue des Prouvaires, très près du peintre qui habitait alors rue Neuve-des-petits-Champs. Le projet de mariage fut solennellement adoubé par la plus prestigieuse des clientèles d'Hyacinthe Rigaud, recevant l’agrément du ministre Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy, peint en 1681 et de Jules Hardouin Mansart, Surintendant et Ordonnateur Général des bâtiments, jardins, arts et manufactures, peint en 1685 et de d’Anne, duc de Noailles, peint en 1691. Si Mademoiselle de Chastillon ne signait qu'en présence de son père et de son grand oncle maternel, Jean de Tiville, marchand bourgois bonnetier rue du Four (3), les époux s'engagèrent à faire célébrer leur union « dans le plus bref tems que se pourra ».
Contrairement au second mariage de Rigaud avec Élisabeth de Gouy, dont l’union en 1710 sera faite sous le régime de la séparation des biens (4), le présent contrat est très favorable à l’époux puisque réalisé selon le régime de la communauté des biens, suivant la coutume de Paris. Ainsi, Rigaud n'apportait que 1000 livres de rente douairière par an, exception faite du domaine de Vaux, près de Meulan, et un fameux état de ses tableaux qu'il avait des grands maîtres (originaux de Rembrants, Rubens, Van Dyck, Jordaen, Bourdon, Forest et Véronèse comme copies qu'il en avait fait) joint à à la liste de ceux de sa main, « sur le pied du prix ordinaire ». Catherine de Chastillon offrait quant à elle près de 15 000 livres en biens meubles et immeubles qu'elle tirait par la propriété de son hôtel familial de la rue des Prouvaires, sur la paroisse Saint Eustache, lequel était évalué à 12 000 livres. Elle fournissait également 2000 livres comptants provenant de la vente faite d'une partie des meubles issus de la succession de sa mère ainsi que 1200 livres en bagues, diamans et argenterie de toilette. Plusieurs rentes tirées de maisons et de terres sises à Aubervilliers et Nanterre ainsi que d'une ferme au village de Villeneuve-la-Cornue « appelée à présent Salins, près Montreau », parachevaient l'apport de la jeune fille. Par un acte passé le 24 mars 1699 devant le notaire Le Masle, son oncle, Jean-Baptiste Dubuisson, avocat au parlement, lui promettait enfin « pour la bonne amitié » qu'il lui portrait, de lui faire don de 20 000 livres payables à son décès (5). « Voulant se donner des marques sensibles de l’amitié qu’ils ont l’un pour l’autre », Hyacinthe Rigaud et Marie Catherine Chastillon devaient hériter l’un de l’autre en cas de décès respectifs « pourvu qu’il n’y ait aucun enfant nay ou à naître ».
Il n’aura pourtant pas fallu attendre plus de six mois pour que ce contrat soit cassé entre les deux promis, « lesquels se sont volontairement désistés et départis du contrat de mariage […], consentant et accordant respectivement qu’il soit et demeure nul et résolu, comme non fait ni avenu, sans qu’aucun dommage puisse estre prétendu ni demandé de part et d’autre ». On ne connait pas la raison de cette rupture mais on pense aujourd'hui que Rigaud se ravisa, préférant à un mariage de raison, celui de l'amour. Il connaissait en effet depuis au moins 1694 les parents d'Elisabeth de Gouy et ne ménageait pas depuis ses efforts pour aider financièrement cette famille. Elisabeth, marié au dispendieux Jean Le Juge, n'allait pas tarder à devenir veuve et il est probable que cette perspective ne fut pas étrangère au revirement de l'artiste.
Marie Catherine de Chastillon demeura donc « demoiselle ] mais ne tarda pas à convoler en nouvelles noces, par contrat du 4 juin 1709, avec Pierre-Mathieu Guérin (6). Fils de Madeleine Victoire de Rondelet et de Daniel Guérin (1613-1668), sieur de Bouscal, conseiller du roi, lieutenant général en la prévôté royalle de Rialmont en Languedoc et avocat au conseil du roi, Pierre Mathieu était le second d'une fratrie de cinq enfants (7). Né en 1662, à son tour conseiller du roi puis auditeur ordinaire en sa chambre des comptes, il mourut en 1715 comme le montre son inventaire après décès inédit, réalisé le 19 mars devant le notaire Jacques Guesdon (8). Le couple n'eut pas d'enfants et Marie-Catherine de Chastillon demeura rue des Prouvaires, dans l'hôtel familial jusquà l'établissement de son testament olographe du 28 août 1738, dépôsé pour minute dans l'étude du notaire Pierre-Louis Laideguive, le 20 avril 1740 (9). Sans doute malade de corps, Madame Guérin avait trouvé refuge chez les dames hospitalières de la rue Mouffetard, sur la paroisse Saint Marcel où elle mourut le 19 avril 1740 (10).
Les seuls héritiers de Marie Catherine de Chastillon était ses trois neveux, fils de sa soeur Marie Marguerite (morte en 1709) et d'Henri Anne Charles Bernard, seigneur d’Aubigny, Saint Martin, Sainte-Suzanne-sur-Vire, La Bloutière et du Mesnile-Chauchois. Le premier, Pierre Bernard, seigneur de la Fleudrie, écuyer, chevalier, seigneur de Fleury demeurait ordinairement en la paroisse de Mesnil-Opac dans le diocèse de Coutances et y mourra le 7 août 1761 après avoir épousé, le 14 septembre 1737, Suzanne Madeleine de Beton (née en 1721). Le second, Jean Bernard, mourra à Saint-Armand-de-Torigni le 27 mars 1743 à l’âge de 43 ans (archives de la Manche, 5 Mi 1567-1568), après avoir épousé, le 2 juin 1729, Madeleine Geneviève Le Carpentier, fille de feu Robert Le Carpentier, écuyer, officier de la maison de Monsieur, duc d’Orléans (archives de la Manche, 5 Mi 1568). Quant à Charles François Bernard, écuyer, seigneur, patron de Fleury, il s'était uni à Bréhal, le 22 avril 1728, à Louise Charlotte Chesnoy.
mise à jour 5 septembre 2017 [testament Catherine de Chastillon] / 23 janvier 2017 [IAD Pierre-Mathieu Guérin].
1. Paris, archives Nationales, minutier central des notaires parisiens, étude XCV, liasse 31. Publié par Guiffrey. Voir aussi Daniel Wildenstein, Documents inédits sur les artistes français du XVIIIe siècle conservés au minutier central des notaires, Paris, 1966, p. 129.
2. Sur les Chatillon, voir les actes redécouverts par Jacques Le Marois que nous remercions pour nous avoir aimablement fourni les scellés apposés à la mort de Charles de Chastillon.
3. Voir son inventaire après décès le 31 juillet 1705.
4. Voir Inventaire après décès d’Élisabeth de Gouy. Scellés. Archives nationales, Y 15 610.
5. Ibid. Donation, 24 mars 1699, étude XIV, liasse 165.
6. Paris, archives Nationales, minutier central, étude XVI, liasse 631. Acte découvert par Jacques Le Marois qui indiquait par erreur le prénom de René Mathieu Guérin.
7. Son père fut un auteur albigeois célèbre en son temps, l'un des traducteurs en 1640 du roman de Don Quichotte.
8. Acte que nous avons redécouvert en janvier 2017. Paris, achives nationales, minutier central, étude XXIII, liasse 422. Le 15 avril suivant, sa veuve renonça à la communauté de biens ayant existé d'avec son mari et, le lendemain, elle fit le transport avec Charles Guérin de Richeville du bail de sa maison à François de Fontenay.
9. Acte également inédit, retrouvé le 5 septembre 2017 dans les liasses de l'étude du notaire Laideguive. Paris, achives nationales, minutier central, étude XXIII, liasse 509.
10. Inventaire après décès, 9 mai 1740. Paris, achives nationales minutier central, étude XXIII, liasse 509. Acte répertorié sur le site en ligne du CARAN.