*PC.766
Âge du modèle : 47 ans
Huile sur toile
Dimensions inconnues [à mi corps]
Localisation actuelle inconnue.
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1702 pour 400 livres (ms. 624, f° 20 v° : « Ma[dam]e Hébert »).
Bibliographie :
Roman, 1919, p. 94 [Claudie de Linange], 135, 141 ; Perreau, 2013, cat. *PC.766, p. 172 [Anne françoise Hébert] ; James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.817, p. 276 [reprise de notre proposition sans les dates [c'est nous qui citons] : « on ignore jusqu'à la date de naissance de Mme Hébert ») ; tableau non localisé et non assimilé à l'image du portrait passé en vente De Maigret (2003/2, cat. I, n°671)].
Œuvres en rapport :
- 1. Huile sur toile d’après Rigaud (Leprieur ?), H. 93 ; L. 73. Collection particulière (vente Paris, hôtel Drouot, De Maigret, 10 avril 2013, lot 22 [=éc. fr. du XVIIIe s., suiveur de Largillierre].
Copies et travaux :
- 1707 : Leprieur reçoit 28 livres pour avoir « coppié la teste de m[adam]e Ebert, avoir ébauché l’habillement d’après me passera, avoir finy les mains et la draperie de velour rouge avec le pot de fleurs et le rideau, [durant] 7 journées » et 20 livres pour avoir « avoir habillé et finy l’original de m[adam]e ébert, avoir changé les mains, l’habillement et le rideau, [durant] 5 journées » (ms. 625, f° 22).
- 1708 : « une coppie de mad[am]e Ebert en grand » pour 60 livres (ms. 625, f° 23 v°).
Descriptif :
Fille de Paul Legendre (1619-1713), seigneur de Lormoy, maître des requêtes à Paris et de Françoise de Chaulnes (1633-1716), Anne Françoise Legendre (v. 1655 - ap. 1729) était la seconde épouse, depuis le 23 avril 1682, d’André-Pierre Hébert, peint en 1702-1707 par Rigaud. Compte tenu de la similitude du prix des commandes, il est vraisemblable d'imaginer les deux tableaux réalisés en pendants l'un de l'autre.
Madame Hébert était la sœur d’Antoine-François-Gaspard Le Gendre de Lormoy, autre client de l'artiste et donc belle sœur de Marie-Anne Pajot, peinte quant à elle l’année suivante. En cette année 1707, les différents travaux d’adaptation, du portrait initial de 1702 par Leprieur, nous aident dans la description du portrait qui s’inspirait de celui de Madame Passerat, empruntant également à Madame Pécoil, le même mouvement de la main cueillant des fleurs. Aussi, avec toutes réserves qui n'excluent cependant pas de conclure, proposons-nous de voir dans un portrait de femme passé en vente publique en 2013, l'évocation du portrait de notre modèle. On y retrouve l'ensemble du travail fait par Leprieur, de la vêture empruntée à l'effigie de Madame Passerat jusqu'à la draperie rouge, le pot à fleur et le grand rideau à l'arrière. Dans le fond, à droite, on aperçoit une perspective vers un bosquet, surplombant un grand degré en terrasse. Sur la balustrade, on distingue nettement un groupe sculpté représentant un homme appuyé sur un rocher, une urne près de lui déversant l'eau d'un fleuve.
La popularité de l'image perdura. On la retrouve d'ailleurs, outre-Rhin, dans un portrait de la margravine de Brandbenbourg Ansbach, Wilhelmine Caroline (1683-1737), peint en 1704 par Johann Carl Zierl (1679-1744), artiste qui singea régulièrement les compositions de Rigaud. L'œuvre, conservée à la Kunstsammlung der Universität Göttingen, reprend tous les détails de la posture initiée par Rigaud, avec de menue variantes et la verve du Catalan en moins.
Restait la question de la vraisemblance de l'âge entre la modèle présumée et la stature de cette femme mûre mais encore jeune, coiffée à la mode des années 1700-1705, avec ces « cruches » ou boucles caractéristiques sur le front et les hautes cheminées sur le haut de la tête. Le frère de notre modèle étant né en 1650, sa sœur cadette, Louise Legendre, en 1665 [elle épousa en 1688 Louis Paul Pinon (1689-1777), conseiller au parlement de Paris, et mourut en 1749] on pouvait estimer qu'Anne Françoise devait avoir une vingtaine d'année lors de son mariage en 1682. Elle était dans tous les cas vivante en 1728-1729 alors qu'elle adressa une requête au Châtelet de Paris, pour qu'on lui rende compte des remplois de la succession de sa petite fille, Suzanne Angélique Hüe de Miromesnil, fille de Jean-Baptiste Hue de Miromesnil (1666-1719) et de la fille d'Anne Françoise, Angélique Suzanne Hébert (morte en septembre 1723). Dans cette série d'actes fondateurs, on apprenait que Jean Thomas Hüe de Miromesnil (v.1669-1732), prêtre, chanoine de Notre-Dame de Paris (1697) et abbé de Saint-Urbain de Châlons (1681) avait été nommé procureur de Suzanne Angélique et qu'il était donc l'interlocuteur de Madame Hébert.
La réponse ferme qu'il adressa à sa parente nous apporta enfin quelques indices sur l'âge de notre modèle. Il souhaita en effet débouter Anne Françoise de sa charge de fondée de pouvoirs de Suzanne Angélique, « par rapport à son grand âge de soixante quatorze à soixante quinze ans, par rapport à ses infirmités que son âge luy cause qui l'obligent à garder la chambre, quelle a le malheur d'être fondée et que toutes les incommodités ne peuvent permettre à ladite dame Hébert de veiller à l'éducation de laditte dame de Miromesnil et quelle seront exposées aux caprices des domestiques ce qui est fort dangereux à une demoiselle de son âge et de sa qualité, qu'enfin ladite dame Hébert par le malheur des tems a esté obligée de quitter son ménage ce qui l'a obligée de se mettre en pension chez la dame Pinon [Angélique Louise Legendre, épouse d'Anne Pinon de Quincy (mort en 1721), ancien intendant de Bourgogne], sa sœur, aussy si la dame Hébert consultoit la conscience de la santé et des biens de sa petite fille plutôt que ses propres intérets, elle devroit consentir qu'elle restast dans une maison Régulière où on l'instruit dans la piété et où elle a la compagnie de plusieurs demoiselles de son âge et de sa qualité ». Anne Françoise serait donc née vers 1655 ce qui concorde assez avec notre hypothèse.
Rigaud semblait donc un familier de la famille Hébert-Legendre. En effet, de son union avec André Pierre Hébert, et outre la marquise de Miromesnil, Anne Françoise Legendre eut également Pierre Paul Hébert (1684-1762), maître des requêtes (1711) lequel s'unit à Geneviève Catherine Françoise Thérèse Lallemant de Lévignen (1662-1748), dont on a vu quelques membres clients du peintre en 1695. Elle eut aussi Anne-Thérèse (1682-1733), qui s'unit en 1705 à Pierre Larcher (mort en 1706), frère de Michel III, et qui en eut notamment une fille, Anne, mariée en 1719 à Marc-Pierre Voyer de Paulmy, comte d’Argenson (pour liaisons entre la famille d'Argenson et les Hébert, voir Yves Combeau, Le comte d'Argenson, 1696-1764, Ministre de Louis XV, Mémoires et documents de l'école des Chartes, n°55, Paris, 1999, p. 31 et suivantes).
Signature d'Anne Françoise Legendre sur un acte du Châtelet de Paris. 17 février 1729
Paris, Archives nationales, Y4441© photo Familles parisiennes