P.697
Âge du modèle : 18 ans
Huile sur toile
H. 230 ; L. 194.
Versailles, Musée national du château. MV8493 (ancienne collection).
Daté et signé en bas à droite : « Peint par Hyacinthe Rigaud 1700 ».
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1701 (ms. 624, f° 18 v° : « Le Roy et le roy d’Espagne, et une copie du portrait du Roy de la même grandeur que l’orig[in]al pour sa Majesté catholique, le tout 26 000 livres » [prix pour trois tableaux] ; placé dans le cabinet des tableaux à Versailles ; Salon de 1704 (trumeau sur la cour II) ; signalé en magasin à la Surintendance de Versailles à partir de 1760 ; au Louvre à la Révolution ; 1974, déposé à Versailles.
Bibliographie :
Mercure Galant, dec. 1700, p. 202-203 ; Rigaud, 1716, p. 118 ; Hulst/3, p. 181 ; Guiffrey 1869, p. 14 ; Engerand, 1899, p. 464 ; Marcel, 1906, p. 246 ; Roman, 1919, p. 84, 85, 89, 90, 91, 95, 96, 97, 98, 105, 140, 143 ; Bottineau, 1962 (1993), p. 130, 131, 342 ; Luna, 1978, p. 188-190 ; O’Neill, 1984, p. 188 ; Ahrens, 1990 (1), p. 213 ; Ahrens, 1990 (2), passim ; Constans, 1995, II, n° 4265, p. 756 ; ibid., n° 4273, p. 758 ; Bajou, 1998, p. 278-279 ; Bruson et Leribault, 1999, p. 362 ; Brême, 2000, p. 22 ; Moran Turina et Úbeda de los Cobos, 2002, I.3, p. 436 ; ibid., II. 3, p. 442 ; Aterido, Martínez Cuesta, Pérez Preciado, II, 2004, cat. 900, p. 455 ; Perreau, 2004, p. 103-104 ; Lavallois-Clavel 2005, I, p. 54, 75, 147, 168, 176-177 ; ibid. II, p. 53-54, cat. P. Dr. n° 17 ; James-Sarazin, 2009/1, n° 53, p. 124 ; Brême & Lanoe, 2013, p. 79 ; Perreau, 2013, cat. P.697, p. 161-162 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.743, p. 246-248.
Expositions :
Paris 1955, n°239 ; Paris 1957-1958, n°73 ; Paris 1958, n°35 ; Bordeaux-Paris-Madrid 1979-1980, n°27 ; Sceaux 1993, n°26.
Œuvres en rapport :
- 1. Huile sur toile. H. 133 ; L. 88. Copie d’atelier avec variante (à mi-corps, main droite appuyée sur la table), signé et daté au dos : « Peint par Hyacinthe Rigaud, 1700 ». Madrid, Palacio Real, Patrimonio Nacional, Inv. 10006934. Voir El arte en la corte de Felipe V, p. 107, repr., cat. II. 3, p. 442.
- 2. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 80 ; L. 64. Sign. v° : « Peint par Hyacinte Rigaud. À Paris 1701 ». Madrid, Palacio Real, Patrimonio Nacional. Inv. 1 0003075. (réplique à mi-corps d’après l’original de Versailles). Voir Cat. Expo. 2002-2003, op. cit. I.3, p. 436, repr. p. 95.
- 3. Huile sur toile. H. 133 ; L. 111, Versailles, musée national du château. Inv. 7539, MV2103, B2222. Agrandi sous Louis-Philippe (anc. Dimensions : H. 72 ; L. 58). Voir Constans, 1995, II, p. 758, n°4273.
- 4. Huile sur toile. H. 80 ; L. 63. Florence, Galerie des Offices. Inv. 2793 (en buste).
- 5. Huile sur toile d’après Rigaud. H. 82 ; L. 65. Paris, musée Carnavalet Inv. P.1571. Don de Mme Provendier avec réserve d’usufruit (1931). Voir Bruson & Leribault, 1999, p. 362.
- 6. Huile sur toile d’après Rigaud (réduite à mi-corps). H. 104,1 ; L. 97,2. Ancienne Collection du duc de Parme à la Casa Reale Colorno (sa marque d’inventaire en haut à gauche, C. R. 128.) ; collection de la duchesse de Berry (sa marque sur un morceau de toile rapporté au dos, n°107) ; vente Monaco, Christie’s, 15 juin 1986, lot 1 ; ancienne collection Chevalier ; Vente New York, Christie’s, 23 octobre 1998, lot 17.
- 7. Pierre noire, encre noire et rehauts de blanc sur papier bleu. H. 60,5 ; L. 41,5. New London, The Lydman Allyn museum. Inv. 1969.19. Vente Paris, Hôtel Drouot, 19 août 1968, lot 16 (« genre de Rigaud ») ; Londres, marché de l’art en 1969 ; acquis à cette occasion par le musée. Voir O’Neill 1984, p. 188 et 191 (note n°5), repr. pl. 28 ; Brême, 2000, p. 22, repr. p. 38.
- 8. Pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier bleu d’après Rigaud. H. 28,2 ; L. 20,9. En bas à gauche, on peut voir une esquisse pour une bataille qui ne se trouve pas dans le tableau de Versailles. Vente Paris, Bohler, 23 février 1906, lot 28 (comme Rigaud), « beau dessin à la pierre noire, rehaussé de blanc sur papier gris » ; Galerie de Bayser, Paris ; vente château de Groussay, Sotheby’s, 2 juin 1999, lot 71, repr. p. 37.
- 9. Pierre noire d’après Rigaud, v. 1704, H. 19,9 ; L. 15. Loc. inc. Vente Monaco, Sotheby’s, 2 décembre 1988, lot 332 [d’un carnet de 74 dessins ad vivum]).
- 10. Gravé en ovale à mi-corps par Pierre Drevet en 1703 selon Hulst, « demi-figure avec un main, prise dans un tableau d’une figure en pied et accomodée pour être mise en estampe d’un devant d’architecture, etc. » H. 53,7 ; L. 37,7. Sur le pourtour de l’ovale : « DON PHELIPE V POR LA GRACIA DE DIOS REY DE LAS ESPANAS ». Sur le bord extérieur de l’ovale, de part et d’autre de la couronne royale surmontant les armes : à gauche, « Hyacinthus Rigaud pinxit » ; à droite, « Petrus Dreuet Sculp. rue du Foin »
- 11. Évocation du portrait gravé de Philippe V dans un portrait d’Isabelle Farnèse, sa future femme, peint par Miguel Jacinto Meléndez, 1727 (Madrid, bibliothéca Nationale).
- 12. Huile sur toile d'après Rigaud (suiveur ?). H. 75 ; L. 61 cm. Vente Lyon, De Baecque, 21 septembre 2020, lot. 334. Bibliographie : inédite.
Copies et travaux :
Un article spécial de 1701 est consacré aux copies du nouveau roi d’Espagne (ms.624, f°19 v°) :
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le duc de la Trémouille » pour 150 livres. Le commanditaire est peut-être Charles-Belgique-Hollande, duc de la Trémoïlle (1655-1709).
- 1701 : « Une [copie] pour Regnault pour Flandres » contre 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r Jabach pour Flandres » contre 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r Gielgert » contre 150 livres [Roman note Giegert].
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r Delouville » contre 450 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le baron de Breteüil » contre 450 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le marquis de Villène » contre 150 livres. Le commanditaire aurait pu être Juan Manuel Fernández Pacheco, marquis de Villena (1650-1725) ou Nicolas-Gabriel Gilbert de Voisins (1685-1767), marquis de Villennes, officier au régiment du Roi-Infanterie mais il nous semble un peu trop jeune (16 ans). Son père, Pierre V Gilbert de Voisins (1656-1730), doyen des présidents de la seconde chambre des enquêtes au Parlement semble un candidat plus probable.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r Cardeau » contre 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r Denonville [D’armenonville ?] » pour 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[pnsieu]r Dixbut » pour 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le duc de Villeroy » pour 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le duc de Guiche » pour 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le prince de Bournonville » pour 500 livres. Le client est peut-être Alexandre-Albert François Barthélémy de Hénin-Bournonville (1662-1705), second prince de Bournonville, capitaine et sous-lieutenant des Gendarmes du Roi, Maréchal des Camps et Armées du Roi.
- 1701 : « Une pour M[on]s[ei]g[neu]r le duc de Bourgogne » pour 500 livres.
- 1701 : « Une [copie] p[ou]r M[onsieu]r l’envoyé du duc de Parme » pour 600 livres.
- 1701 : « Une [copie] p[ou]r M[onsieu]r le maréchal de Marcin » pour 500 livres. On peut probablement identifier le commanditaire comme Ferdinand de Marsin (1656-1706), maréchal de France, bien qu'il ne fut nommé à ce titre qu'en 1703.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r Robot » pour 500 livres. Le client peut-être Jacques Raudot (1638-1728), homme de Pontchartrain, futur intendant du Canada en 1705.
- 1701 : « Une [copie] par ordre du Roy » pour 150 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le maréchal de Boufflair » pour 600 livres.
- 1701 : « Une [copie] pour M[onsieu]r le marquis de Torcy » pour 450 livres.
- 1700-1705 : Viennot réalise « un dessein du roy d’Espagne à S[ain]t Cloud », « deux traits du roy d’Espagne », « une copie du roy d’Espagne sur toille de 4 l[ivres] t[ournois] » (ms. 625, f°10), « une copie du roy d’Espagne en pied » et « un dessein du roy d’Espagne et un trait en pied » (ms. 625, f°10 v°)
- 1701 : Leprieur touche 30 livres pour « une copie du roy d’Espagne, [sur toile de] 32 l[ivres] t[ournois] », 50 livres pour « cinq têtes du roy d’Espagne », 120 livres pour « une copie du roy d’Espagne », 150 livres pour « 3 copies du roy d’Espagne » (ms. 625, f°10 v°), 120 livres pour « une Copie du Roy d’Espagne » et enfin 16 livres pour « deux têtes du roy d’Espagne ébauch[ées] » (ms. 625, f°11).
- 1701 : Leclerc touche 17 livres pour « un portrait du roy d’Espagne [rajout : ] pour M[onsieu]r Langlois » et 12 livres pour « un buste du roy d’Espagne » (ms. 625, f°11).
- 1702 : Fontaine touche 20 livres pour « un [portrait du] Roy d’Espagne sur une toile de 4 francs » et trente livres pour « trois bustes du roy d’Espagne » (ms. 625, f°12).
- 1702 : Leprieur touche 40 livres pour « cinq têtes du roy d’Espagne retouchées » et 20 livres pour « deux têtes du roy d’Espagne » (ms. 625, f°12).
- 1702 : Ménard reçoit 10 livres pour « un buste du Roy d’Espagne » (ms. 625, f°12 v°).
- 1702 : Fontaine touche 10 livres pour « un buste du Roy d’Espagne (ms. 625, f°12 v°).
- 1703 : Fontaine reçoit 50 livres pour un « portrait du roy d’Espagne » (ms. 625, f°15 v°).
- 1708 : « Une [copie] du roy d’Espagne p[ou]r le même [prince de Vaudémont] » valant 150 livres (Ms. 624, f°28 v°).
- 1708 : Bailleul touche 60 livres pour « une copie du roy d’Espagne avec deux mains toile de 50 l[ivres] t[ournois] », sans doute l’exemplaire destiné au prince de Vaudémont (ms. 625, f°25).
Descriptif :
Philippe de France (1683-1746), duc d’Anjou, deuxième fils du Grand Dauphin et de Marie-Anne-Christine-Victoire de Bavière, et petit-fils de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche, infante d’Espagne, naquit à Versailles le 19 décembre 1683, troisième dans l’ordre de succession au trône, après son père le Dauphin et son frère aîné Louis, duc de Bourgogne. Les trois fils du Grand Dauphin reçurent ensemble le sacrement du baptême le samedi 18 janvier 1687. Philippe était alors âgé de trois ans. Il fut tenu sur les fonts baptismaux par Monsieur, qui lui donna son prénom, et Mademoiselle, sa fille, future duchesse de Lorraine. Le 16 novembre 1700, la proclamation officielle de l’acceptation du testament de Charles II, décédé sans héritier direct, désignait le duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, alors âgé de seize ans, à la succession du trône d’Espagne.
Avant de quitter la France, celui-ci, devenu Philippe V, souhaita avoir un portrait de son grand-père ; le souverain fit réaliser de son côté une effigie du nouveau roi d’Espagne, qui incarnait l’aboutissement des efforts de la diplomatie française et ouvrait la perspective d’une destinée universelle pour les Bourbons. Rigaud fut donc choisi pour exécuter ces deux tableaux. Le portrait de Louis XIV en costume de sacre fut présenté à la Cour en janvier 1702. Quant au Philippe V, Rigaud commença d’y travailler le premier décembre 1700, lors d’une séance de pose dont rendit compte le Mercure galant qui précisait que « Le 1er de ce mois, le sieur Rigaud, peintre fameux, qui avoit été nommé par le roi pour peindre Sa Majesté Catholique, travailla pour la première fois au portrait de ce monarque. Toute la cour fut charmée de sa première ébauche ».
Toutefois, la toile fut pour l’essentiel réalisée en l’absence du modèle qui était parti pour Madrid dès le 4 décembre 1700. Cette même année, Viénot, collaborateur de l’atelier de Rigaud, reçut les paiements pour avoir dessiné les portraits de Gédéon Berbier du Metz et de notre Philippe V, et ce d’après les originaux. Curieusement aucun témoignage ne fit écho de l’achèvement du portrait de 1701, présenté au Salon de 1704[1], avec celui du roi. Naturellement, de nombreuses copies d’ensemble ou partielles furent réalisées à partir de ces deux compositions. Excepté les quelques copies par Viennot, près de 21 répliques seront réalisées en 1701, en majorité par Leprieur, et répertoriées dans un article spécial des livres de comptes dédié au portrait. Parmi les commanditaires on note le duc de la Trémoïlle (1655-1709), le banquier Jabach [P.128], le marquis de Louville [PC.1018], le baron de Breteuil [PC.724], le marquis de Villennes, Fleuriau d’Armenonville [*PC.940], le duc de Villeroy [*P.230], le prince de Vaudémont [*PC.981], le duc de Bourgogne [PC.782], l’envoyé du duc de Parme [*PC.778] (qui correspond à la version [P.697-6]), Ferdinand de Marsin (1656-1706), ambassadeur de France auprès du roi d’Espagne, l'intendant Raudot, le maréchal de Boufflairs [*P.370], Mr. Langlois [*P.719] et le marquis de Torcy [PC.628]. Adrien Leprieur fut ensuite chargé de reproduire une copie sur toile à 32 livres ainsi qu’une dizaine de « têtes » prêtes à être habillées.
Philippe V est symboliquement vêtu du costume officiel de la cour espagnole, alors que cette tenue d’apparat noire, dominée par la godille, le col blanc rigide, était déjà quelque peu désuète ; elle ne devait d’ailleurs pas tarder à être abandonnée au profit de la cravate française, plus confortable, en signe de déférence pour le nouveau monarque. S’il revêt naturellement l’ordre de la Toison d’Or, le roi n’a pas abandonné le cordon de l’ordre français du Saint-Esprit (ces deux distinctions se retrouvent d’ailleurs figurées autour des armoiries présentes sur la gravure de Drevet). Espagnole par le costume, cette effigie s’inscrit toutefois pleinement dans la tradition française du portrait d’apparat, surtout par l’attitude du modèle. Elle témoigne aussi du renouvellement que Rigaud avait apporté à la formule, en particulier par le rapport entre le personnage et la pompe du décorum. Cette toile ne constitue pas une exaltation symbolique de la monarchie comme c’était le cas du portrait de Louis XIV. En dépit de son faste, elle n’est pas autre chose que la représentation d’un homme politique, dont les attributs, comme la couronne, permettent d’identifier la fonction, tandis que les accessoires, les colonnes, les draperies, en magnifient la noblesse, la prestance et le rang. Le fauteuil doit sans doute être considéré moins comme une allusion au trône que comme un ornement décoratif ; on le retrouve d’ailleurs presque identique dans d’autres œuvres de Rigaud, comme le portrait de Mignard (Versailles), ce qui laisse à penser qu’il appartenait à Rigaud lui-même[2]. La tradition a toujours considéré le dessin de New London comme la collaboration possible entre Viénot et Rigaud. Rappelons que l’aide d’atelier réalisa entre 1700 et 1705 « un dessein du roy d’Espagne à St Cloud » puis « un dessein du roy d’Espagne et un trait en pied ».
[1] Coignard, 1704, p. 8.
[2] À l’instar de certains objets de Largillierre, repris dans ses peintures durant toute sa vie.
mise à jour 1er septembre 2020