P.sup.21
Huile sur toile
H. 78 ; L. 61.
Perpignan, collection particulière
Inscription postérieure en haut à droite de la toile : « Don Bonaventure d'Ortaffà commandt. général des miquelets a la guerre de succession. Maréchal de camp des armées royales en 1738 »
Historique :
Peint vers 1715 ; vente Barcelone, Balclis, 31 mai 2017, lot. 1451 (invendu) ; idem, 31 mai 2017, lot 1451 ; acquis à cette date par Monsieur M. à Perpignan ; sa vente, Paris, Fraysse svv, 25 mai 2023, lot. 6 (est. 8000/12000 euros).
Bibliographie :
Laurent Fonquernie, « Portrait de Bonaventure d'Ortaffa i Vilaplana, noble roussillonnais, commandant en chef des miquelets », Institut du Grenat, [en ligne], 5 décembre 2016 ; Ariane James-Sarazin, « Hyacinthe Rigaud et sa clientèle roussillonnaise : le portrait de Don Bonaventura d'Ortaffa y de Vilaplana », Hyacinthe Rigaud (1659-1743). L'homme et son art - Le catalogue raisonné, Editions Faton, [en ligne], 15 février 2017 ; Stéphan Perreau, « Hyacinthe Rigaud, chroniques des ventes 2016 (troisième partie) », www.hyacinthe-rigaud.over-blog.com, 17 mars 2017.
Descriptif :
L’iris brillant, le regard posé, la joue moelleuse, le port altier, tel nous apparut ainsi Don Bonaventura d’Ortaffa y de Vilaplana (vers 1672-1748) dans son portrait inédit, peint par Hyacinthe Rigaud vers 1715 et que s’apprêtait à mettre en vente le 21 décembre 2016 (lot. 1542) la maison Balclis de Barcelone, celle-là même qui avait proposé aux enchères il y a quelque mois le formidable portrait d’Everhard Jabach. Publiée par Laurent Fonquernie quelques jours avant la vente, l’œuvre, sans doute à cause de son mauvais été général et parce qu’elle n’était pas référencée dans les livres de comptes de l’artiste, ne fut qu’attribuée à Rigaud.
Cependant, un examen attentif de la toile grâce à des clichés qui nous furent fournis en amont de la vente par Enrique Carranco de la maison Balclis dès le 13 décembre, nous ont rapidement convaincu qu’il s’agissait là d’une des ces œuvres originales qui échappèrent, comme d’autres, à la rigueur de la liste établie par le secrétaire du peintre ou par ses correcteurs.
Fils de Joseph d’Ortaffa et de Maria de Vilaplana i Descamp, notre modèle était né à Perpignan vers 1672. Entré jeune comme lieutenant dans l’infanterie du régiment Royal-Roussillon en 1689, il s’illustra rapidement lors de la guerre de la Ligue d’Ausgbourg en participant à la bataille de Fleurus en 1690 puis au siège de Mons l’année suivante. Ancien archiviste du ministère de la Guerre, Pinard évoque dans sa Chronologie historique-militaire (1764, p. 141), les évènements marquants de la carrière d'Ortaffa :
« Capitaine réformé dans le même régiment, par commission du 16 mars 1692, il servit sur les côtes de Normandie cette année, à la bataille de Neerwinde & au siège de Charleroy en 1693, à la marche de Vignamont au pont d’Espierre en 1694, au bombardement de Bruxelles en 1695, à l’armée de la Meuse en 1696 & 1697. Lors de la réforme de 1698, il eut le premier avril une nouvelle commission de Capitaine réformé à la suite du même Régiment, & se trouva au combat de Nimègue en 1702, à celui d’Eckeren en 1703, à l’armée de Flandre en 1704, à l’armée de la Moselle en 1705. Colonel d’un Régiment de Milice de la province du Roussillon, par commission du 15 novembre 1705, il le commanda sur les frontières de cette province jusqu’en 1713 qu’il fut licencié. M. d’Ortaffa fut alors entretenu Colonel réformé à la suite de la ville de Perpignan, par ordre du 20 Octobre 1714. Commandant & Inspecteur des Arquebusiers du Roussillon, par ordre du premier Février 1719, il leva par commission du même jour, une compagnie de trente Dragons arquebusiers montés. Il servit supérieurement sur les frontières d’Espagne pendant cette campagne, & encore plus supérieurement pendant la maladie contagieuse qui régna dans les provinces méridionales en 1720 & 1721. »
Brigadier d’infanterie le 1er septembre 1735 pour servir dans l’armée d’Italie, maréchal de camp en mars 1738, il mourut avant d’avoir servi, le 17 mars 1748 sur la paroisse Saint Jean de Perpignan. Il s’était marié dès le 31 juillet 1695 avec Hippolita de Ros, fille de Charles de Ros (1652-1716) et de Maria de Reart. Leur fils, Antoine d’Ortaffa s’unira en 1738 avec la petite fille d’un couple bien connu de Rigaud, « le comte et la comtesse Rousse », Francesc de Ros (1654-1703) et Josèphe de Sorribes (v. 1650-1720), peints dès 1696. C’est sans doute à l’occasion de l’obtention de sa croix de l’ordre militaire de Saint Louis en 1715, qu’Ortaffa sollicita le peintre catalan, la décoration ayant été peinte en même temps que le tableau et non rajoutée a posteriori. Malgré les manques, les restaurations successives et les quelques mastics largement débordants, l’état général de la toile ne faisait pas de doute quant à sa paternité. Les clichés qui nous avaient été fournis en amont de la vente par la maison Balclis, montraient en effet une belle homogénéité dans les carnations, une grande délicatesse dans la reprise des boucles de la perruque et, surtout, un travail très sûr des carnations, visible principalement dans le fondu des chairs de la joue gauche ou du front. On reconnaissait enfin la vêture d’une attitude vue dès 1712 pour le comte Durazzo (avec une écharpe nouée autour du cou) et qui, elle même, dérivait de postures plus anciennes. Ces dernières montraient des modèles vêtus de la même armure, le bras le long du corps au premier plan mais sans la grande pièce d’étoffe qui laissait voir, à gauche, le nœud d’une simple écharpe de commandement militaire. Le portrait du comte de Sparre, en 1717, bénéficia à ce titre d’une ordonnance semblable à celui d’Ortaffa, au prix cependant d’un remplacement du velours du manteau par une fourrure typique des effigies de militaires d’Outre-Rhin.