P.1443
Huile sur toile (anciennement sur bois).
H. 83 ; L. 68.
Paris, musée du Louvre. Inv. 7490
Historique :
Mentionné dans les livres de comptes à la date de 1743 (ms. 624, f° 46 v°, rajout de Hulst : « En cette même année Mr Rigaud mit la dernière main à son tableau représentant la présentation de la Ste Vierge et lequel il légua par son testament au roi ») ; premier codicile du 17 juin 1742 ; Inventaire après décès de Rigaud, n°254 (fol. 36) : « Item un autre tableau représentant la Purification de la sainte Vierge contenant treize à quatorze figures peint sur bois par led Sieur Rigaud avec sa bordure dorée numéroté deux, prisé la somme de quinze mil livres » ; Offert par Rigaud à Louis XV ; Collection de la couronne ; cabinet du roi au Luxembourg en 1751, n°35 (Bailly) ; mentionnée par Joseph Duplessis dans son Catalogue des tableaux du roi contenant ceux qui étaient au Luxembourg, et qui sont présentement déposés au Louvre dans deux salles du rez-de-chaussés et dans un magasin au pavillon neuf, du second étage, 1785, n°161.
Bibliographie :
Dezallier d’Argenville, 1745, p. 310 ; Dezallier d’Argenville, 1762, t. IV, p. 318 ; Roman, 1919, p. 221 ; Gallenkamp, 1956, p. 22-34, 115-119, 121-123 ; Colomer, 1973, p. 100, 106, 130, 137 ; Rosenberg, Raynaud et Compin, 1974, n° 728, p. 85, 215 ; Rosenfeld, 1981, p. 283 ; cat. Stockholm, 1982, n° 130 ; Mérot, 1994, p. 285 ; Hardouin, 2 000, p. 166 ; Perreau, 2004, p. 52-54 ; James-Sarazin, 2009/1, n° 116 (non exp.), p. 178, 182 ; James-Sarazin, 2009/2, p. 49, 53, 84 ; Perreau, 2013, cat. P.1443, p. 304-305 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. NP.12, p. 578.
Œuvres en rapport :
- 1. Étude de personnage accoudé. Pierre noire, estompe, rehauts de blancs sur papier bleu H. 38,4 ; L. 24,3. Stockholm, Nationalmuseum. Inv. II n° 1138B (vente Londres, Christie’s, 4 juillet 1978, lot 104 ; Don Samuels au musée).
Descriptif :
C’est par son quatrième testament du 16 juin 1726, que Rigaud prévoyait de léguer à l’Académie une « Purification de la Vierge » ou Présentation au Temple qui échouera finalement à Louis XV le 26 mai 1742 puisque, dans un premier codicille daté du 17 juin de la même année, l’Académie venait finalement de recevoir le Saint André [P.693] comme morceau de réception dans le domaine de l’histoire. Ceci prouve déjà que Rigaud avait entamé son œuvre depuis bien longtemps. La Présentation au Temple , « de quinze figures peintes sur bois pour satisfaire à la promesse faite à l’Académie lors de sa réception de lui donner un tableau d’histoire »[1], par ses petites dimensions et sa technique[2] est une œuvre du plus pur miniaturisme. On retrouve dans cet ultime tableau sans doute entamé bien plus tôt et achevé en 1743, la maîtrise parfaite d’un art dont le peintre possède tous les éléments. Hulst ne précise-t-il pas dans les livres de comptes : « En cette même année Mr Rigaud mit la dernière main à son tableau représentant la présentation de la Ste Vierge et lequel il légua par son testament au roi » ?
La scène peinte ici est extraite de l’Evangile selon Saint Luc (2, 22-28) : « Et quand le jour de sa purification selon la loi de Moïse fut accomplie, ils l’emmenèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur ; et pour offrir un sacrifice à ce qui est dit dans la loi du Seigneur, une paire de tourterelles ou deux jeune pigeons. Et il y eut un homme à Jerusalem, dont le nom était Simeon ; et cet homme était juste et dévot, attendant après la consolation d’Israel ; et Dieu était sur lui. Il lui fut révélé qu’il ne devait pas voir la mort avant d’avoir vu le Christ. Et il entra dans le temple ; et quand les parents amenèrent leur enfant pour suivre les principes de la loi, il le prit dans ses bras ». Suivant les préceptes de l’école du Nord, Rigaud privilégie l’atmosphère mystique de la scène plutôt que l’éclat des couleurs. Ainsi, seul le bleu de la robe de la Vierge et dans une moindre mesure le rouge fané du dais, captent l’attention. Mais c’est surtout la lumière éclairant l’enfant et les reflets qu’elle produit sur l’argenterie au premier plan qui attire le regard. Ces aiguières et autres plats d’une grande richesse font également penser à celles présentes dans la Présentation au temple du hollandais Jacob Willemsz de Wet « le vieux »[3].
Au loin, la faible flamme d’une lampe créé une subtile diversion dans la quasi obscurité générale, rejoignant ainsi l’atmosphère de la composition homonyme de Rembrandt (La Haye, Mauritshuis). Cascades de velours surplissés, teinte d’ocre, de rouge et de brun, détails poussés à l’extrême, science de l’agencement et du drame... tout concours à faire de ce tableau une véritable apothéose. La petite étude préparatoire conservée à Stockholm, correspond au petit personnage accoudé, en bas à droite, sur la balustrade et qui n’est pas sans présenter de fortes analogies avec celui figuré par Jacques Stella dans sa propre Présentation au temple [4]. Il semble d’ailleurs que Rigaud a travaillé selon le même plan, disposant Siméon sur la droite, dans une attitude hiératique aux grand drapés, proche de celle donnée au Siméon de La Fosse en 1682[5] ou plus encore dans l’autre version du même thème donnée par Rembrandt vers 1654[6] où Siméon, est assis comme chez Rigaud.
Rappelons ici les mots de d’Argenville qui soulignait déjà en son temps, les analogies entre la facture des toiles à sujet d’histoire de Rigaud et celles des maîtres hollandais : « Son inclinaison à peindre l’histoire éclatoit de tems en tems : il a fait un Saint André plus grand que nature, & à mi-corps, qu'il a donné à l’Académie, une présentation au Temple peinte dans le goût de Rembrant qu’il a laissée au Roi en mourant ; un crucifiement fini en partie, & une nativité en petit, gravée par Drevet. Son cabinet se distinguoit par plusieurs bons tableaux, tels que du Giorgion, de Rubens, de Vandyck, de Rembrant, de Salvatore Rosa, du Guaspre, du Bourdon, & des bons maîtres français. » Le choix du sujet n’est sans doute pas anodin. Si Rigaud a choisi de travailler tout au long de son existence sur ce tableau pour finalement l’offrir au roi, ceci procède sans doute d’une offrande à la fois mystique et soumise d’un homme très croyant, s’apprêtant à comparaître devant Dieu et léguant son ultime travail à son dernier protecteur.
[1] Cinquième testament du 11 février 1731.
[2] Il s’agit d’une huile sur bois désormais transposée.
[3] Buenos-Aires, musée des Beaux-arts.
[4] Béziers, musée Fabrégat.
[5] Toulouse, musée des Augustins.
[6] The Cleveland museum of art – inv. 1999.3.