PC.1442
Âge du modèle : 65 ans
Huile sur toile
H. 144 ; L. 114.
Paris, Académie de médecine
Historique :
Toile entamée en 1743 et mentionnée dans les livres de comptes de l’artiste (ms. 624, f° 46 v° (rajout de Hulst) : « M[onsieur] de la peyronnie (François), premier chirurgien. Il n’y a que la tête d’achevée de ce portrait qui devait être en figure jusqu’aux genoux ») ; Ancienne collection Paul Eudel ; sa vente, Paris, galerie Georges Petit, 9 mai 1898, n°30 ; probablement collection de Madame Lelong ; sa vente, Paris, galerie Geoges Petit, 27 avril 1903, n°47 ; probablement collection Théodore-Marin Tuffier (1857-1929), chirurgien, en 1910 ; collection Monique et Adwin Milgrom ; don à l’Académie en 2013.
Bibliographie :
Delignières, 1872, n° 38, p. 41-42 ; Portalis et Béraldi, 1880-1882, I, p. 659, 672 (n° 65) ; Legrand, 1911, p. 102-103, n° 76 ; Roman, 1919, p. 221 ; Sterling, 1935, p. 25-26, n° 18 ; Roux, 1949, p. 110-111, n° 112 ; Salmon, 2004, p. 148-150 ; Perreau, 2004, p. 198-199 ; Brême dans cat. exp. « Parcours d’un collectionneur, l’histoire, la Fable et le portrait », Sceaux-Arras-Bayonne, 2007-2008, p. 134-137, cat. 28 [PC.1453.2] ; Perreau, 2013, cat. PC.1442, p. 304 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.1526, p. 537.
Expositions :
Berlin, 1910, n°118.
Œuvres en rapport :
- 1. Huile sur toile (suiveur de Rigaud), H. 138 ; L. 105. Paris, faculté de médecine. Inv. n° 76.89.01.01.07 (Don François Houstet en 1762 ; collection Noé Legrand). À l’origine de format ovale, le portrait fut offert en 1762 par le chirurgien François Houstet (1690-1782) à l’Académie royale de Chirurgie ; exposé dans la salle d’assemblée de l’Académie, au collège Saint-Cosme, actuellement rue de l’École de Médecine à Paris. Lors du transfert de l’Académie en 1775 vers le nouvel édifice construit par Jacques Gondouin un peu plus loin dans la rue, le portrait fut également transporté et demeura dans la collection de l’Académie royale de chirurgie puis de la faculté de médecine. Rentoilé en 1835 par le restaurateur Haro et probablement agrandi au format rectangulaire à cette occasion. Exposé à Paris, 1935, n° 8 et Versailles, 2003-2004, n°53 (toile) & n°54 (gravure).
- 2. Huile sur toile (suiveur de Rigaud), H. 144 ; L. 111. Montpellier, Faculté de Médecine (salle du Conseil). N° 118. Léguée en 1778 au collège de chirurgie par Mme Saunier, nièce de La Peyronie. Cartouche en bas à gauche sur le cadre : « Ce portrait de François De La PEYRONIE / par Hyac. RIGAUD a été légué en 1778 / au Collège de Chirurgie de Montpellier / par Mme SAUNIER nièce de De La PEYRONIE ».
- 3a. Gravé par Jean Daullé en contrepartie en 1755.
- 3b. Gravé par N. Pruneau en 1778.
Descriptif :
Né à Montpellier le 15 janvier 1678, François Gigot de La Peyronie fut le premier chirurgien du roi et est surtout connu pour avoir été le créateur de l’Académie de chirurgie. Ayant reçu sa formation dans sa ville natale de Montpellier, il avait étudié à la fois la médecine et la chirurgie. Il s’installa donc dans sa province et y acquit une si grande réputation que Louis XIV le fit venir à Paris comme démonstrateur d’anatomie au Jardin du roi. En février 1719, son maître et ami Mareschal lui fait accorder la survivance de sa charge de premier chirurgien. Il conquiert la sympathie et la confiance du jeune roi qui ne veut être saigné que par lui et l’anoblit en 1721. Il lui donne une première idée de l’anatomie et, pour illustrer ses leçons, pratique devant lui la dissection de quelques animaux de ménagerie. La grande faveur dont il jouit lui permet de réaliser sa grande idée : élever la profession médicale et lui donner une véritable qualité scientifique. Avec la permission royale, il créé en 1731 les Assemblées académiques de chirurgie qui seront transformées en 1739 en Société académique de chirurgie. C’est en fait une société d’enseignement mutuel et professionnel dont il est le président. Il appartenait à l’Académie des sciences depuis 1731, et de 1716 à 1730 avait suppléé Du Verney dans la charge de démonstrateur et opérateur des opérations pharmaceutiques. Il est l’auteur de nombreux mémoires, dont celui-ci, publié à Montpellier en 1708, qui dénote des préoccupations philosophiques et une influence cartésienne : Observations sur les maladies du cerveau, par lesquelles on tâche de découvrir le véritable lieu du cerveau dans lequel l’âme exerce ses fonctions. Il meurt le 24 avril 1747 à Versailles, peu de temps après un autre modèle de Rigaud, le cardinal d'Auvergne (c'est le même notaire parisien qui réalisera d'ailleurs leurs inventaires respectifs).
L’œuvre de Rigaud, qui devait représenter le modèle en figure jusqu’aux genoux, fut probablement achevée bien après le décès du célèbre portraitiste, peut-être par l’un de ses collaborateurs (ou un artiste extérieur à son cercle), puis elle inspira plusieurs copies, dont celle de la faculté de médecine de Montpellier, celle signalée en 1911 dans la collection du docteur Tuffier et celle de la vente Lelong. Suivant le parti courant des portraits d’apparat exécutés par Rigaud, mais avec une composition qui ne semble pas avoir été utilisée pour un autre commanditaire, La Peyronie se détache dans une attitude dynamique au-devant d’une bibliothèque palatiale, entouré des accessoires qui s’attachent à sa fonction. Tandis que sur le dossier du fauteuil repose le manteau rouge bordé d’hermine du docteur en médecine, l’homme donne le sentiment de s’être interrompu dans sa démonstration oratoire. De la main gauche, il tient le grand in-folio du premier tome des Mémoires de l’Académie de chirurgie. Sur la table repose, en partie déroulée, la planche gravée décrivant l’amphithéâtre de chirurgie du collège de Saint-Côme, rue des Cordeliers à Paris (et non le dôme des Invalides comme l’indiquait Marcel Roux en 1949), ainsi que plusieurs livres dont celui de Quesnay, Histoire de l’origine et des progrès de la chirurgie en France, ouvert sur la gravure du portrait C. Jean Pitard, premier chirurgien du roi Saint Louis et grand réformateur de la chirurgie en France auquel ses pairs vouaient une pleine admiration en le considérant comme le fondateur de leur collège parisien. Initialement de format ovale, l’œuvre n’avait peut-être pas été commandée par La Peyronie. Le premier chirurgien de Louis XV, que son biographe Grandjean de Fouchy qualifiait d’ennemi du luxe et de l’ostentation, ne fait effectivement pas mention dans son testament du portrait de Rigaud, alors qu’il prend soin de répartir l’essentiel de sa fortune en faveur de son art, léguant en particulier sa bibliothèque à la communauté des maîtres en chirurgie de Paris, ainsi que de grosses sommes d’argent destinées à favoriser l’enseignement de sa science[1].
Il semble qu’en 1762, l’œuvre ait été donnée à l’Académie royale de chirurgie par le chirurgien Houstet qui, dès 1748, soit peu de temps après le décès de son ami La Peyronie le 25 avril 1747, lui avait déjà manifesté son attachement en commandant son buste de manière posthume au sculpteur Jean-Baptiste II Lemoyne et en l’offrant à son académie. Le Mercure de France faisait en effet relation de cette nouvelle libéralité en septembre 1762 en indiquant[2] : « Le concours nombreux des savans et des curieux qui ont assisté à la séance publique de l’Académie royale de chirurgie le 22 avril de cette année a vu avec plaisir deux tableaux qui avoient été placés dans la salle de l’assemblée quelques jours auparavant. S’ils ont eu la satisfaction d’entendre de scavans mémoires […] qui tendent au progrès de l’Art, au bien de l’humanité [...] ils n’ont pas paru moins flatés d’y trouver le portrait de l’illustre bienfaiteur de cette Compagnie et un pendant allégorique dont l’idée a été fournie par le génie et par la reconnaissance. L’Académie [...] avoit toujours présente [...] la mémoire de M. de La Peyronie ; il lui manquoit cependant le portrait de ce grand maître, de ce restaurateur de l’art et elle s’étoit occupée souvent du soin de satisfaire à ses désirs sur ce point, lorsqu’elle a été prévenue par un de ses membres, qui plein d’attachement et d’une reconnaissance particulière, n’a rien ménagé pour la décoration et la dignité du sujet qu’il offre à la Compagnie. Sa générosité trop modeste n’a pas permis qu’on le nommât, mais il faut espérer que la reconnaissance [...] fera reconnaître celui qui a déjà fait décorer l’amphithéâtre des Ecoles de chirurgie d’un monument de marbre et de bronze élevé à la mémoire de M. La Peyronie. Un amateur zélé des beaux-arts a bien voulu diriger l’ordonnance de cette décoration. Deux tableaux ovales, encadrés de bordures élégantes [...] présentent du côté droit, le portrait de grandeur naturelle de M. de La Peyronie, peint par M. Rigaud. On le voit assis vis-à-vis d’un bureau tenant de la main gauche le premier volume des Mémoires de l’Académie et ayant devant lui d’autres ouvrages auxquels il a eu part. Le pendant allégorique peint par M. Poussin[3], élève de l’Académie royale […] est du côté gauche ; il représente Minerve, le symbole de tous les arts […] qui regarde M. de La Peyronie […] ». Ainsi, de manière bien légitime, François Gigot de La Peyronie était-il célébré à la fois dans l’amphithéâtre de l’école de chirurgie et dans la salle d’assemblée de l’académie royale de chirurgie.
Notons que l’un des frères de Jean Ranc, Guillaume, que l'on a longtemps assimilé à tort à Louis Raymond dans une archive, se disait « parent » de La Peyronie dans une lettre du 2 février 1728, par laquelle il tentait d’obtenir du contrôleur général Le Pelletier des Forts [P.1347] le poste d’inspecteur du chemin royal de Toulouse à Albi[4].
[1] Testament du 18 avril 1747, minutes d’Hubert Mabile, archives départementales des Yvelines.
[2] Mercure de France, septembre 1762, p. 153-156.
[3] Étienne de la Vallée-Poussin (1735-1802).
[4] Montpellier, ADH, C 3207.