*P.41
Huile sur toile
Dimensions inconnues [à mi-corps]
Localisation actuelle inconnue.
Historique :
Absent des livres de comptes de l'artiste ; peint vers 1683.
Bibliographie :
Hulst/1, p. 132-133 ; Dezallier d’Argenville, 1745, p. 310 ; Duplessis, 1874, n° 193, p. 10 ; Dorbec, 1905, p. 459-460 ; Perreau, 2013, cat. *P.41, p. 67 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. *P.46, p. 30.
Descriptif :
Le portrait d'Étienne Matheron (mort en 1686), joailler de Monsieur, fère du roi, appartient à l'imaginaire des plus belles compositions peintes par Hyacinthe Rigaud. Les différents témoignages écrits évoquant la toile, tous élogieux, nous font d'autant plus regretter qu'elle soit aujourd'hui considérée sinon comme perdue, du moins comme non identifiée.
Dès 1732, le Mercure de France citait son exposition sur les cimaises du salon de la jeunesse, à l'entrée de la place Dauphine, aux côtés des productions modernes de Chardin et d'de plusieurs auteurs alors en vogue : « On voyoit encore dans la même Place, un beau Tableau du sieur Grimoud, représentant un Joueur de Vielle, quatre Portraits du Sr Autreau le fils, qui ont été fort approuvez, plusieurs du Sr le Sueur, et quelques autres. Mais ce qui fit le plus de plaisir, c'est le Portrait du grand pere du Sr Matheron, Marchand joüaillier à Paris, peint il y a 49 ans, par l'illustre M. Rigaud , et qui est un des plus beaux morceaux qu'on sçauroit voir ».[1].
La présence du portrait d'Étienne Matheron sur ces cimaises était en fait due au petit-fils du joailler qui avait fait retoucher la toile par l'artiste suite à des circonstances relatées par Hulst puis par Dezallier d'Argenville. Selon ce dernier, Matheron fils, voulant avoir la confirmation que le portrait de son père était bien de Rigaud, le fit porter chez l'artiste. Non seulement celui-ci ne reconnut pas son propre ouvrage, mais il crut y reconnaître une œuvre de Van Dyck. Sur l'assurance du possesseur que ce portrait était bien de sa main, et sur le nom du modèle, Rigaud reconnut à la fin le portrait, nous relate Dezallier d'Argenville.L'artiste ajouta que « la tête, pourraît être de Van Dyck, mais la draperie n'est pas digne de Rigaud, et je la veux repeindre gratuitement […] ».
Huslt, qui écrivit quelques années après Dezallier d'Argenville, voulut corriger légèrement l'histoire : « Le trait du portrait de Materon qu’on trouve placé dans une vie imprimée de Rigaud, quoique d’une façon un peu défigurée, indique le ton sur lesquel étoient montés les premiers ouvrages qui sortirent de son pinceau. En restituant ce trait dans toute sa simplicité, tel que je le tiens de M. Rigaud même, cette indication n’en recevra que plus d’éclat. […] ». Selon l'ami du peintre, « ce ne fut pas l'artiste qui méconnut son ouvrage [...] chose en quelque sorte impossible. Ce fut le jeune Materon qui lui apporta le portrait de son grand-père comme un morceau curieux que plusieurs connoisseurs, assuroient être de ce maître incomparable [van Dyck] ; Rigaud crut d’abord qu’il le vouloit plaisanter, et lui dit : « J’en suis bien aise. » L’autre, d’un air sérieux, reprit : Quoi ! Monsieur, il me semble que vous ne le croyez pas de Van Dyck ! Non, répliqua Rigaud, car il est de moi, et même je ne suis pas trop content de l’habillement, et y veux retoucher pour le mettre plus d’accord avec la tête qu’il ne l’est. On sera moins étonné de la méprise de ces connoisseurs, lorsqu’on fera réflexion que, dans le temps que Rigaud fit ce portrait, il sortoit détudier Van Dyck dans les principes qu’on vient de voir, et étoit encore tout plein de son feu et de son esprit. »
Le modèle peut probablement être identifié comme le grand-père d’André Matheron, ancien marchand joaillier, quai des Morfondus à Paris dont la collection fut vendue aux enchères le 18 octobre 1745[2].
[1] Mercure de France : dédié au Roy, Paris, juillet 1732, p. 1612.
[2] Catalogue des pierreries, bijoux, tableaux, estampes et autres curiosités de la succession du sieur André Matheron, ancien marchand joaillier à Paris, Paris, in 8, 1745.