P.1376
Âge du modèle : 58 ans
Huile sur toile
H. 81,5 ; L. 65,5.
Meslay, mairie. Inv. 51-02 (CNMHS, PM41000275)
Daté et signé sur la toile d’origine : fait par h. Rigaud. 1733
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1733 pour 600 livres (ms. 624, f° 44 : « M[onsieu]r De La porte fermier g[é]n[ér]al [rajout :] entièrement original »).
Bibliographie :
Roman, 1919, p. 209 [f], 210 ; Perreau, 2013, cat. P.1376, p. 286-287 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.1463, pp. 512-513.
Œuvres en rapport :
- 1. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 81 ; L. 65. Château de Cheverny (collection du marquis de Vibraye).
- 2. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 81 ; L. 65. Château de Meslay (collection de Boisfleury).
- 3. Huile sur toile d'après Rigaud, H. 81,1 ; L. 65. Coll. part. Vente Christie's Paris, 7 mars 2017, lot. 63 (« Boniface de Castellane & Anna Gould : 'A way of life' »). Au dos, la mention d'une ancienne attribution au peintre Aved.
Copies et travaux :
- 1734 : « Quatre copies de M[onsieu]r de la porte » pour 1 200 livres (ms. 624, f°44 v°).
Descriptif :
Les hommes de la famille de La Porte, issus du fermier général Jean de La Porte (1636-1695), occupèrent tous (ou furent liés à) une activité dans la finance qui leur permit d’avoir recours sans peine aux tarifs du peintre le plus courtisé de france. De son union, le 8 août 1679, avec Élisabeth des Ruelles (1649-1716), fille d’Adrien des Ruelles, seigneur de Fouilleux, secrétaire du roi et de Nicole Château, Jean de La Porte eut sept enfants, dont au moins deux furent fermiers généraux : notre modèle ainsi que François de La Porte Féraucourt et Marie Angélique Françoise de La Porte qui épousa Alexandre Bertrand Pallu, fermier général et fils du fermier général Bertrand Pallu.
Jean-François de La Porte (1675-1743), seigneur de Meslay, occupa le poste de fermier général de 1695 à 1744 à la suite de son père, « homme d'un grand savoir » selon Mouffle d’Angerville. Il avait épousé, dès 1709, Catherine Soubeiran (morte en couches le 20 juin 1710), fille de Pierre, chauffe cire en la chancellerie, secrétaire du roi et du Grand Collège, garde des registres du contrôle général des finances, conservateur des hypothèques & administrateur de l'hôpital de Paris et de Françoise de Breilly. Selon Mouffle d’Angerville, l’intendant aurait reçu près de 79 000 livres de rentes de ses parents, issus de la fortune des Soubeiran[1]. De 1723 à 1742, il est nommé président du comité des caisses, c’est-à-dire le personnage plus important de la ferme. On l’appelle le doyen ou celui « qui a le portefeuille de la compagnie ». À la tête de la compagnie durant 20 ans, il occupait avec son frère cadet un hôtel particulier de la rue Neuve des petits champs, à deux pas de l’Hôtel Mazarin et de celui du contrôleur général des Finances.
Ayant rapporté d'un voyage en Orient la technique de l'élevage du vers à soie ainsi que quelques plants de mûriers et des cocons, il crée deux manufactures de cotonnades, l’une à Issoudun, l’autre à Meslay (Loir-et-Cher) où il fait produire des tapisseries et des étoffes pour meubles et habillement, vendues presque exclusivement à Paris, étoffes connues sous le nom de « siamoises de La Porte » ou « siamoises de Meslay ».
Il s’installe au bourg de Meslay après avoir hérité en 1730 du château et du domaine par la mort de son frère François de La Porte de Féraucourt (personnage pour lequel Roman optait d'ailleurs ici). Le financier s’engage alors à déplacer le village pour le protéger des crues du Cher et fait reconstruire l’église de Meslay. Il fait détruire l'ancien château pour en rebâtir un nouveau sur les plans de Jules-Michel-Alexandre Hardouin, neveu de Jules Hardouin-Mansart (1732), belle demeure sur les bords du Loir. En Bienfaiteur du lieu (ce que rappelle une inscription rapportée sur son cadre), le fermier général offre probablement l’année suivante son portrait aux autorités ecclésiastiques. Longtemps conservée au presbytère, la toile a été récemment restaurée et est désormais déposée à la mairie. Malgré la mention de Hulst, il ne semble pas que cet habillement ait été original mais plutôt repris d’une composition antérieure. On le retrouve d'ailleurs, à quelques détails près dans celui de l'ambassadeur Van Hoey. Si l'exemplaire du château de Cheverny accuse quelques dommages et donc, des repeints, la très récente version vendue par Christie's et provenant de l'ancienne collection Boniface de Castellane & Anna Gould montre un revirement dans la couleur du manteau, passant du bleu original au brun, sans doute du à une restauration. Un repeint, près du bout de la cravate, masque également le quatrième bouton de la veste du modèle.
Jean-François de La Porte passait pour un personnage affable et de bonne compagnie. Mouffle d’Angerville le dépeint d'ailleurs en des termes amènes : « De la Porte l'aîné, […] étoit un grand courtisan & capable d'être à la tête des finances. Il fut longtems chargé du portefeuille des fermes en qualité de doyen de la compagnie, emploi qu'il a dignement rempli jusqu'à sa mort. Il promettoit beaucoup & ne tenoit pas toujours sa parole, ce qui provenoit quelquefois du concours de certaines puisances qui enlèvent les Meilleurs emplois. Du reste, il étoit poli, aimé de tout le monde & il aimoit à rendre service. Il étoit fort magnifique & tenoit une des meilleures table de Paris. […] Quoi qu'il fût veuf de très bonne heure, il ne s'est point remarié à cause de fon fils, à qui il donna une éducation excellente. Il auroit dû laisser des biens considérables mais il est mort pauvre. »
Son fils Pierre-Jean-François de La Porte (1710-1794), futur maître des requêtes et Intendant à Moulins devint veuf et sans enfants depuis 1735 de Marie-Anne Colette Morgan, s’unira, le 30 juillet 1739, Anne-Elisabeth Le Fèvre de Caumartin (1723-1784), fille du marquis de Saint Ange (dont un aïeul, Louis Urbain, avait déjà été client de Rigaud dès 1693[2].
Dans sa Vie privée des financiers au XVIIIe siècle (1895, p. 84), Henri Thirion complètera de manière ampoulée la description du modèle peint par Rigaud en cette année 1733 : « De La Porte [...] passait aux environs de 1730, pour l’une des meilleures fourchettes de France, et comme sa bourse, également l’une des mieux remplies du pays, lui fournissait les moyens de satisfaire entièrement ses goûts, il avait pris l’habitude de réunir constamment chez lui de nombreux convives, savants, artistes, gens de lettres et gens d’esprit [...] On le considérait à juste titre, de son temps, comme un homme d’affaires d’un mérite transcendant, le seul véritablement propre à recueillir la succession de Du Verney, de Bernard ou des Contrôleurs généraux, s’ils étaient venus à manquer. De vrai sang de financier, il avait gagné ses titres de fort bonne heure, et menait entièrement ses collègues, grâce au portefeuille des Fermes, qu’il détint avant Lallemand de Betz, grâce à son talent d’administrateur, grâce aussi au crédit qu’il tenait de ses proches. »
Le 21 avril 1742, un an avant sa mort, il céda à son fils la totalité de ses biens, par une donation entre vifs.
Vue du grand salon du château de Meslay © d.r.
[1] Moufle d'Angerville, 1784, tome, 1, p. 243-4.
[2] Nobiliaire de Ponthieu, Tome II, p. 181.