P.1309
Âge du modèle : 67 ans
Huile sur toile
H. 146,7 ; L. 113,7
Cleveland, museum of Art. Inv. 1967.17
Signé et daté sur la base de la pendule : « Fait par Hyacintus Rigaus, 1723 ».
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1723 pour 3000 livres (ms. 624, f° 41 v° (« M[onsieu]r l[e] c[ardina]l Dubois ») ; Château d’Eu en 1723 ; Collections Mademoiselle Violat (héritière du cardinal Dubois), Château de Villemon, près de Brie-Comte-Robert ; George, dernier duc d’Egremont ; sa vente Londres, Christie’s (Manson & Woods), 1892, n°68 ; Rodolphe Kann, Paris ; Edouard Kann, Berlin ; Wildenstein & Co, New York ; John L. Severance Fund, 1967.
Bibliographie :
Mercure de France, juin 1723, p. 1175 ; Hulst/3, p. 195 ; Mariette, 1740-1770, f° 45 v°, n°7, VII, f° 20 ; Lelong, 1775, p. 150 ; Bellier de la Chavignerie, 1864, p. 61 ; Journal de Rosalba…, 1865, p. 268 (1722, date d’exposition incorrecte : en fait 1723) ; Portalis & Béraldi, 1880-1882, III, p. 415 ; Von Bode, 1900, n°88, pl. 88 ; Michel, 1901, p. 503 ; Marguillier, 1903, p. 2, repr. ; Furcy-Raynaud, 1904, p. 312-315 ; Dorbec, 1905, p. 460 ; Cat. Sedelmeyer gallery, 1907, p. 66, pl. 156 ; Cat. expo. Rassegna d’arte, X, Avril, 1910, p. 59 ; Roman, 1919, p. 195, p. 233, 284 ; Lurie, 1967, p. 230-239, figs. 1, 2, 8 et repr. coul. p. 229 ; Lurie, 1974, p. 667-668, repr. p. 669 ; Lurie, 1975, p. 277-279, fig. 1, 2 ; CMA Handbook, 1978, repr. p. 175 ; Levallois-Clavel, 2005, p. 88-89 ; Ibid. II, p. 308-309, cat. P.-I. Dr. n°23 ; Perreau, « Hyacinthe Rigaud et le cardinal Dubois », [en ligne], 29 novembre 2011, www.hyacinthe-rigaud.over-blog.com ; Perreau, 2013, cat. P.1309, p. 267 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.1390, p. 474-475.
Expositions :
Paris, place Dauphine, jour du Corpus Christi, 1723 : L’Exposition de la jeunesse (sans catalogue) ; Berlin, Académie des arts, 1910 : exposition d’œuvres de l’art français au XVIIIe siècle, n°246, Deluxe, ed. Paris, 1910, p. 36, 63, n°119, pl. 63 ; New York, Wildenstein & Co, 1962 : The painter as Historian, n°35 ; CMA, Décembre 1967 : Year in review, n°64 ; Toledo (Ohio Museum of art, Art Institut of Chicago, and National Gallery of Canada (Ottawa), 1975/76 : The Age of Louis XV, French Painting 1710-1774, n°86, p. 66, 67, pl. 26 (catalogue par Pierre Rosenberg ; id. (edition française), n°86, p. 71-72, pl. 26) ; Levey, 1993, p. 6, repr. Fig. 2.
Œuvres en rapport :
- 1. Huile sur toile d’après Rigaud. H. 76 ; L. 62. Brive-la-Gaillarde, musée Labenche. Inv. 50.185.119.
- 2. Huile sur toile, suiveur de Rigaud (La Penaye ?), H. 82 ; L. 66 cm. Collection particulière (coll. Schaub (?) ; vente Münich, Hampel, 9 décembre 2011, lot 297). Peut-être la même que la suivante.
- 3. Huile sur toile d’après Rigaud. H. 81 ; L. 65. Vente Paris, hôtel Drouot (Audap-Picard-Solanet & associés), 20 juin 1997, n°232, (comme école de Nicolas de Largillierre), repr. p. 70 du cat.
- 4. Gravé par Pierre-Imbert Drevet en 1724. H. 48,7 ; L. 35,9. Dans le même sens que la toile. Dans la bordure extérieure du trait carré : « Peint par Hyacinthe Rigaud 1724 [sic] - Gravé par P. Drevet 1724. » Sous le cadre, de part et d’autre d’un médaillon aux armes : « Guillaume Cardinal - Dubois, Archevesque / Duc de Cambray, Prince du St - Empire, Premier Ministre / Né le 6 septembre 1656 - mort le 10 août 1723. »
- 5. Gravé en buste et en contrepartie par Claude Roy dans un ovale de pierre pour le fond Odieuvre. De part et d’autre de l’ovale sur le socle : « Hiacinthe Rigaud pinxit / A.P.D.R. – C. Roy sculp. » Au bas, dans le socle : « Guillaume cardinal Dubois / Archevesque Duc de Cambray / Prince du St Empire Premier Ministre. » H. 7,8 ; L. 6,6.
- 6. Lithographié par Étienne Larose Baudran (1794-1866), pour l’éditeur Amyot.
Copies et travaux :
- 1723 : « Une copie de M[onsieu]r le C[ardina]l Dubois p[ou]r m[onsieu]r son neveux » pour 300 livres (ms. 624, f°41 v°). Le commanditaire est Jean-Baptiste Dubois, chanoine de l’église Saint-Honoré à Paris.
- 1723 : « Une copie de M[onsieu]r le C[ardina]l Dubois p[ou]r M[onsieu]r le chevalier Schaub » pour 300 livres (ms. 624, f°42).
- 1723 : La Penaye touche 6 livres pour avoir « ébauchez une tête de M[onsieu]r le C[ardina]l Dubois, un jour » et 40 autres pour « une copie en buste du même cardinal » (ms. 625, f°34 v°).
Descriptif :
Guillaume Dubois (1656-1723), né à Brive-la-Gaillarde, était le fils de Jean Dubois, apothicaire à Brive et de Marie de Joyet de Chaumont. Jugé peu apte à reprendre les affaires de son père, il fut élevé par les pères de la Doctrine chrétienne dans un collège de Jésuites. Tonsuré à 13 ans, il fit carrière grâce à la protection du marquis de Pompadour. Introduit à la cour comme précepteur du jeune duc de Chartres (1687), futur Régent, il continua par la suite de le servir en tant que conseiller et confident.
Conseiller d’État (1716), ministre des affaires étrangères (1718), cardinal (1721), principal ministre (1722), l’abbé Dubois « était un petit homme maigre, effilé, chafouin, à la perruque blonde, à mine de fouine, à physionomie d’esprit »[1]. Saint Simon poursuit ainsi : « Tous les vices combattaient en lui à qui en demeurerait le maître. Ils y faisaient un bruit et un combat continuel entre eux. L’avarice, la débauche, l’ambition étaient ses dieux ; la perfidie, la flatterie, les servages [manières de valet] ses moyens ; l’impiété parfaite son repos, et l’opinion que la probité et l’honnêteté sont des chimères dont on se pare, et qui n’ont de réalité dans personne, son principe, en conséquence duquel tous moyens lui étaient bons. Il excellait en basses intrigues ; il en vivait ; il ne pouvait s’en passer, mais toujours avec un but où toutes ses démarches tendaient, avec une patience qui n’avait de terme que le succès ou la démonstration réitérée de n’y pouvoir arriver, à moins que, cheminant ainsi dans la profondeur et les ténèbres, il ne vît jour à mieux en ouvrant un autre boyau. Il passait ainsi sa vie dans les sapes. Le mensonge le plus hardi lui était tourné en nature, avec un air simple, droit, sincère, souvent honteux. Il aurait parlé avec grâce et facilité, si le dessein de pénétrer les autres en parlant, et la crainte de s’avancer plus qu’il ne voulait, ne l’avait accoutumé à un bégaiement factice qui le déparait, et qui, redoublé quand il fut arrivé à se mêler de choses importantes, devint insupportable, et quelquefois inintelligible. Sans ses contours et le peu de naturel qui perçait malgré ses soins, sa conversation aurait été aimable. Il avait de l’esprit, assez de lettres, d’histoire et de lecture, beaucoup de monde, force envie de plaire et de s’insinuer, mais tout cela gâté par une fumée de fausseté qui sortait malgré lui de tous ses pores, et jusque de sa gaieté, qui attristait par là. […] Méchant d’ailleurs avec réflexion, et par nature et par raisonnement traître et ingrat, maître expert aux compositions des plus grandes noirceurs, effronté à faire peur étant pris sur le fait, désirant tout, enviant tout, et voulant toutes les dépouilles. On connut après, dès qu’il osa ne se plus contraindre, à quel point il était intéressé, débauché, inconséquent, ignorant en toute affaire, passionné toujours, emporté blasphémateur et fou, et jusqu’à quel point il méprisa publiquement son maître et l’Etat, le monde sans exception et les affaires, pour les sacrifier à soi tous et toutes, à son crédit, à sa puissance, à son autorité absolue, à sa grandeur, à son avarice, à ses frayeurs, à ses vengeances »[2].
Son portrait par Rigaud reprend les attitudes fixées par le peintre pour les grands cardinaux qu'il eut à peindre. Les deux volumes à tranche dorée qui apparaissent à droite sur le bureau traitent d’ordonnances du Parlement. Les deux autres sont une œuvre d’Hugo Grotius (1583-1645) et le Pentateuchus (titre latinisé de cinq premiers livres de l’Ancien testament). Les quatre livres, de gauche à droite, sont titrés ainsi : « ORDON-TRAIT- HVGO PENTA NANCES TES GROTIVS TEVCHVS ». Les quatre gros étuis ronds et scellés qui dépassent du bureau, sont peut-être ceux qui servirent à Dubois pour diffuser ses victoires diplomatiques. Celui qui se trouve près de la bordure du tableau à droite, dépassant de la table, porte la double couronne et l’aigle des armes autrichiennes. Le portrait de Dubois fut exposé, en 1723, à la place Dauphine lors de l’exposition de la Fête-Dieu, suivant l’ancienne coutume des artistes[3].
En 1764, le jeune dauphin Louis de France (1725-1765) demanda à voir le portrait alors en possession de mademoiselle de Violat, héritière du modèle. Il s’en suivit une correspondance entre Charles-Nicolas Cochin et le marquis de Marigny pour contenter le prince[4].
Selon Mariette le commanditaire de la gravure de Drevet aurait été Claude Rigaud, « directeur de l’Imprimerie Roiale ». Ce personnage homonyme, beau-frère et associé de Jean Anisson, lui succéda en 1707 à la direction de l’Imprimerie Royale. Le cardinal Dubois fit remettre à Rigaud en 1723 sa chape rouge et son rochet pour permettre au peintre de d'en prendre modèle (Paris, AN, 145 AP 1, liasse E, n° 78, lettre inédite de Jean-Baptiste Dubois, chanoine de Saint- Honoré à son oncle le cardinal, 12 février 1723).
[1] Saint-Simon, Mémoires, XXVI, p. 280-283.
[2] Saint-Simon, op. cit., XIX, p. 14, ed. 1873.
[3] Journal de Rosalba Carriera… p. 268.
[4] N.A.A.F., p. 312-313.