THELUSSON Isaac de

Catégorie: Portraits
Année : 1722

 

*P.1306

Âge du modèle : 32 ans

Huile sur toile
Dimensions inconnues [à mi-corps]
Localisation actuelle inconnue.

Historique :

Paiement inscrit aux livres de comptes en 1722 pour 1500 livres (ms. 624, f° 41 : « M[onsieu]r Télusson [rajout :] Thélusson bancquier ») ; ibid., f° 42 v°, 1725 (« M. Thelusson » [doublon]).

Bibliographie :

Roman, 1919, p. 193, 200, 201 ; Gabriel Girod de L’Ain, « Les Thellusson et les artistes », Genava, 1956, p. 123-126 ; Gabriel Girod de l'Ain, Les Thellusson. Histoire d'une famille du XIVème siècle à nos jours, 1977, p. 47 ; Jacques Berchthold et Michel Porret, « Être riche au siècle de Voltaire : actes du colloque de Genève » (18-19 juin 1994), Genève, Droz, 1996, p. 155 ; Perreau, 2013, cat. *P.1306, p. 266 ; James Sarazin, 2016, II, cat. *P.1386, p. 472-473.

Œuvres en rapport :

  • 1. Huile sur toile d’après Rigaud [buste ; La Penaye ?]. H. 82 ; L. 65,5.  Genève, ancienne collection Horngacher ; collection privée ; dépôt au château de Prangins en 2014. Inv. DAA-256.
  • 2. Huile sur toile d'après Rigaud (entourage ?). H. 81 ; L. 64,5. Ancienne collection Robert Tronchin au château de Bessinge ; collection privée en 1970 ; par héritage au collectionneur actuel.

Copies et travaux :

  • 1725 : « Un buste de M[onsieu]r telusson [rajout :] Thelusson » pour 100 livres (ms. 624, f°42 v°).
  • 1725 : La Penaye reçoit 60 livres pour avoir fait « l’habillement de M[onsieu]r de Téluson or le fond », sans doute un travail sur la copie de l'année (ms. 625, f° 35).
  • 1726 : La Penaye reçoit 40 livres pour « Un Buste de M[onsieu]r de Telusson » (ms. 625, f° 35).

Banquier de Genève, fils de Théophile Thélusson (1646-1705) et de Jeanne Guigier (1662-1712), Isaac Thélusson (Genève, 14 octobre 1690 - Champel, 2 septembre 1755) était le neveu de Jean-Claude Tourton peint par Rigaud en 1710.

Négociant et banquier, Thélusson fut intéressé dans les fermes générales et les approvisionnements de Paris, et deviendra ministre de la République de Genève à la cour de France de 1730 à 1744. Comme l'indique Girod de L'Ain dans son historique de la famille Thélusson, notre modèle, entama un Grand Tour européen (Bâle, Cologne, Noortwyk), débarquant à Londres en 1706, chez son oncle Isaac Guiguer pour gagner ensuite Exeter où il apprit facilement l'anglais. Arrivé à Paris le 10 décembre 1707, il intégra la banque Tourton-Guigair dont il fut un commis assidu, profitant de la brouillerie de ses associés pour obtenir à sa majorité, en 1715, « toutes leurs affaires sous le nom de Thellusson et Cie, à condition que j'aurais seul la signature » et que le siège de la société demeurerait dans la demeure de Tourton, rue Saint martin. Thelusson arrivait dans la capitale au moment où tous les investisseurs, échaudés par la banqueroute de Law, « avaient tiré la conclusion qu'il valait mieux laisser de côté les affaires du roi et prêter à des négociants contre bons gages, en travaillant avec ses propres capitaux. Quand le Régent lui [Thélusson] demandait conseil, il préchait la prudence, soutenant que le papier monnaie devait avoir sa contrepartie en or ou en argent dans les caisses du Trésor Royal. » (Girod de l'Ain, p. 45-46).

Thélusson notait lui-même qu'en 1720, alors que « tout alla en décadence », le Régent « eut recours à ceux qui avaient de leur mieux résisté au torrent. J'en étais. Il nomma M. [Félix] Le Pelletier de La Houssaye, contrôleur général des finances. Il eut la bonté de m'indiquer à lui comme une personne digne de confiance et en effet, M. de La Houssaye me l'accorda jusqu'à sa mort. »

L'année où il commande son portrait à Rigaud, notre modèle était retourné en Hollande pour épouser à Leyde, le 27 septembre 1722, Sarah Le Boullenger (1700-1770), fille d'Abraham Le Boullanger et d'Anne Van der Hulst. Son épouse sera, quant à elle, peinte par Nicolas de Largillierre en 1725[1]. Juste avant son mariage, alors qu'il habitait rue Saint Martin, Thélusson avait dénoncé son association d'avec son oncle Tourton qui retira donc sa part de 800 000 livres de la société. Thélusson s'associa alors avec l'un des neveux de Tourton, reprenant l'affaire à son compte sous le nom de Tourton et Cie. Dès son mariage, il quitta l'hôtel de son oncle pour louer à Nicolas Mydorge l'un des plus beaux hôtels particuliers du Marais, l'hôtel Boulignieux, 28 rue Michel-le-Comte, bâtiment qui deviendra plus tard l'hôtel d'Hallwyl par le mariage du colonel suisse François-Joseph d'Hallwyl avec Marie-Thérèse Mydorge (Madame de Stäel y naquit).

L'année 1723 fut une année critique pour Thélusson par la mort sucessive de ses principaux protecteurs : le Régent, La Houssaye, le président de Mesmes, le président Amelot et le cardinal Dubois. Englué dans un retentissant procès de partage suite au décès de Jean-Claude Tourton en 1724, Thélusson laissa son activité de banque avant l'issue du procès qui s'en suivit afin l'intégrer le conseil des Deux-Cents à Genève (l'équivalent du Grand Conseil français). Lors d'un séjour genevois en 1728, il acquit également de la liquidation du « mississipien » Jean-Robert Tronchin un bel hôtel dans la ville haute qui lui servira de refuge. Thélusson proposa aux héritiers Tronchin de Provence une association dans son affaire qui devint la société parisienne François Tronchin et Cie au capital de 140 000 livres tournois, sise rue Michel-le-Comte. Cette association ne tint pas ses promesses et Thélusson pensa sérieusement à se retirer à Genève comme diplomate. Chargé en 1730 des affaires de la République à Paris, élu au Conseil des LX en 1733, il conduisit l'année suivante une députation des Conseils venus remercier Louis XV, ayant de ce fait droit au carosse du roi mais aussi au « repas en soucoupes en pied, eux de Versailles et de Marly, tant ordinaires quextraordinaires, gondoles et roulettes » (Girod de l'Ain, 1977, op. cit., p. 52). Le 17 septembre 1738 il reçut même en cadeau du roi une tabatière en or et écaille avec son portrait par Lemaire, estimée à 1500 livres...

En 1722 Thélusson avait payé à Rigaud l'éuivalent d'une effigie à mi-corps dont les copies partielles, sans le fond, montrent une composition mixant plusieurs modèles antérieurs. La position de la main sous le manteau et l'autre probablement destinée à être posée sur un fauteuil, renvoie à des prototypes des années 1710. Caractéristiques des années 1720-1730, la perruque courte aux boucles plates répond aux couleurs fânées presque électriques dans la doublure du manteau de velours.

Après examen de clichés très haute définition de la version déposée au château de Prangins et celle de l'ancielle collection Tronchin, il appert que la première présente un fini plus abouti que la seconde. Dans les deux cas, elles dérivent d'une plus grande composition dont on ne voit pas le fond comme le spécifiait l'une des deuc copies faites par Lapenaye : « l’habillement de M[onsieu]r de Téluson or le fond ». La version Tronchin ne nous semble pas devoir correspondre au second travail de l'aide d'atelier car elle présente des dimensions sensiblement identiques à la version de Prangins. La Penaye ayant été payé 10 livres de moins pour le second buste produit, on peut penser que son cadrage était plus serré. Par sa facture plus sommaire, la version Tronchin pourrait être une réplique de l'exemplaire Prangins, faite en Suisse par un artiste local sans u'aucun élément ne permette d'être catégorique.

C'est en 1934 que le grand-père de l'actuel propriétaire de la seconde version du portrait acheta à Robert Tronchin la propriété de Bessinge, avec une grande partie des collections de la famille Tronchin. Le tableau est répertorié dans l'ouvrage de Gabriel Girod de l'Ain publié en 1977, l'auteur déclarant que « Hyacinthe Rigaut, [...] aurait effectué en 1722 pour 1500 livres un portrait aux trois quarts [sic] de M. de Thelussion, banquier, dont on ne sait ce qu'il est devenu. » Il est vrai que Bessinge était sorti de la famille Tronchin depuis plusieurs dizaines d'années et que la collection qu'il contenait avait été répartie depuis 1970 entre les différents héritiers de l'aïeul de l'actuel propritaire, désormais dépositaire du portrait de Thélusson mais aussi d'une version du portrait de Louis XIV peint par Rigaud en 1694.

 

Nous remercions vivement Marie-Hélène Pellet, conservatrice du musée national Suisse, Dominik Sievi, du service de documentation du Schweizerisches Nationalmuseum, ainsi que le propriétaire actuel du tableau déposé au château de Prangins, de nous avoir exceptionnellement permis de reproduire leurs exemplaires.

 


[1] Fille d’Abraham Le Boullenger de Leiden (né v.1670) et d’Anne Van der Hulst (v.1674-1702). Huile sur toile. H. 137,5 ; L. 104. « Peint. Par./N. de. Largilliere/1725 ». Brodsworth Hall, The English Heritage (Brodsworth Hall). Inv. 90006927. Commandé par Isaac de Thellusson ; par héritage à Peter Thellusson en 1761-69 ; par héritage à Charles Sabine Augustus Thellusson avant 1885 ; par héritage à Pamela Williams ; acquis par la National Heritage Memorial Fund en 1990. Voir Dars, C., Catalogue of Paintings in British Collections: English Heritage etc., London, 1993, cat. no. 59, p. 29. Le fils cadet d’Isaac et de Sarah, Peter (1737-1797), vint en Angleterre en 1761, année où il fut naturalisé par acte du Parlement. Il fit construire le palais Brodsworth. Le portrait de Sarah est mentionné à Brodsworth Hall dans l’inventaire après décès de Charles Sabine Augustus (« Portrait of a lady by Largillierre [sic] »). Il demeura dans la bibliothèque juqu’à l’inventaire de 1931 (« [Oil painting] Portrait of Lady, by Largilliere ») et celui de 1952 (« 1 Portrait of a lady by Largillierre [sic] gilt frame »).

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Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan