ROUVROY DE SAINT SIMON Claude de

Catégorie: Portraits
Année : 1735

 

P.1381

Âge du modèle : 38 ans

Huile sur toile
H. 84 ; L. 64.
Grenoble, musée des Beaux-arts. Inv. MG206.

Historique :

Absent des livres de comptes et peint vers 1733 ; acquis par Jay à Paris en 1799, Tableaux achetés du citoyen Sallé, peintre à Paris, n°53, 54 : « Deux portraits de Rigaud. Le plus grand peintre de ce genre parmi les maîtres de l’école française » (A.D.I., 13T2/1, mémoire n°2) ; entré au musée en 1800.

Bibliographie :

Mariette, 1740-1770, VII, f° 120 ; Delignières, 1872, n° 74, p. 56 ; Portalis et Béraldi, 1880-1882, I, p. 657, 677 (n° 106) ; Guiffrey, 1869, XI, p. 7, 35 ; Roman, 1892, p. 44 ; Vergnet-Ruiz Laclotte, 1962, p. 250 ; Chomer, 2000, n° 95, p. 210-212 ; Perreau, 2004, p. 154-155 ; Perreau, 2013, cat. P.1381, p. 287-288 (1733) ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.1478, p. 519-520.

Expositions :

Paris, 1935, n°112.

Œuvres en rapport :

  • 1. Huile sur toile d’après Rigaud, H. 47 ; L. 35,5. Collection particulière (vente Hôtel des ventes de La Flèche, Cyril Duval enchères, 10 novembre 2012, lot 219).
  • 2. Huile sur toile, suiveur de Rigaud, H. 61 ; L. 49. Loc. inc.
  • 2a. Gravé par Jean Daullé (à mi-corps) en 1744 : « Claudius de Saint Simon, / Episcopus Princeps Metensis, Par Franciae ». Sous le trait carré : « Peint par Hya.the Rigaud Ecuier Chev.er de l’Ordre de St. Michel / Gravé par J. Daullé, Grav.r du Roy, à Paris en 1744 ». Salon de 1745.
  • 2b. Gravé par Jean Elie Haid (1739-1809) en contrepartie de l’épreuve de Daullé, s. d. H. 48 ; L.35,5 cm. Sous le cadre : « L’Etat Ecclesiastique ». En bas, respectivement à gauche et à droite : « Gravé par J. Elie Haid fils de J. Jaque Haid, d’Augsbourg – Se vend à Augsbourg chez J. J. Haid, et à Paris chez Gilles Rosselin rüe St. Jacques ». .
  • 3. Huile sur toile, suiveur de Rigaud et Daullé, H. 130,5 ; L. 97,5. Loire, collection privée (vente Londres, Sotheby’s, 16 décembre 1999, lot 456).

Descriptif :

Fils du marquis Eustache-Titus de Saint-Simon (mort en 1712), Claude de Rouvroy de Saint-Simon (1695-1760), pair de France, baron de Jouy-Trouville, appartenait à la branche aînée de la famille. Il était le cousin du célèbre duc de Saint-Simon, lequel était son aîné de vingt ans et à qui il dut sa carrière. En 1715, ce dernier l’écrira clairement : « J’avais représenté à M. le duc d’Orléans [le Régent] la triste réputation de la branche aînée de ma maison et je l’avais supplié de donner au jeune abbé de Saint-Simon, qui avait près de vingt ans une abbaye dont il pût aider ses frères, parce que je n’aime pas la pluralité des bénéfices. Il lui donna Jumièges […] » (Mémoires, ed. 1966, V, p. 74). Plus tard, en avril 1739, il écrit encore à l’abbé Gualtiero, inquisiteur à Malte : « Vous savez, Monsieur, que j’ai toujours regardé Monsieur de Metz et le bailli de Saint-Simon son frère comme mes enfants » (VII, p. 520). Les frères en question étaient les aînés, morts assez tôt : Bernard-Titus, marquis de Saint-Simon et Claude de Saint-Simon, bailli de l’ordre de Malte (1694-1777). Claude Rouvroy était le benjamin. En 1731, il est nommé évêque et comte de Noyon, et en 1733, évêque de Metz ce qui motiva sans doute à commander son portrait à Rigaud. C’est à lui que furent légués en 1755 la correspondance et l’ensemble des papiers de son illustre cousin, le Journal de Dangeau et les célèbres Mémoires rédigées de 1743 à 1752.

Curieusement, les livres de comptes de Rigaud ne font aucune mention d’un quelconque portrait de l’évêque de Metz. La chose est d’autant plus troublante que la gravure de Daullé nous propose une posture de plus grande envergure, reprise en partie sur le modèle du portrait de René-François de Beauvau du Rivau, évêque de Narbonne, peint en 1715 par le catalan et gravé en 1727. Selon Mariette, le prélat aurait commandé à Tardieu l’extrapolation de son portrait en une estampe « en pied » par soucis d’économie, en s'inspirant de l'effigie de Beauvau. Dorival rejetait le portrait de Grenoble en n’y voyant « qu’une peinture anonyme du XVIIe siècle français ». L’évêque y est représenté en buste, dans son habit violet épiscopal, le corps et les bras disposés à peu près comme ceux de l'évêque de Valence, Alexandre Milon de Mesme, à peu près contemporain.

La question se pose donc de savoir si cette toile annonce la gravure ou si celle-ci est une invention de Daullé faisant un amalgame du tableau en buste et de l’attitude du portrait de Beauvau du Rivau. Daullé aurait ainsi, selon la volonté de l’évêque de Metz, flatté son ego devant l’impossibilité du modèle de se payer un portrait aussi imposant. Mariette, dans ses Notes manuscrites sur les peintres et les graveurs, apporte une partie de la réponse. Selon lui Saint Simon aurait commandé son buste à Rigaud en 1735, précisant que « le tableau original n'est qu'en buste et le prélat y est en habit de pair ecclésiastique de France à cause de la qualité d'évesque de Noyon qu'il eut avant d'esttre évesque de Metz et dont il s'est fait conserver les honneurs ». Mariette poursuit en indiquant que le modèle souhaita rapidement se faire graver pour une estampe de plus grande « aparence », nécéssitant l'ajustement du visage initial dans une composition déjà existante dans le « catalogue » Rigaud.

L'amplification du décorum de 1715 suivit sans doute le souhait du modèle que Rigaud a satisfait en ajoutant la riche horloge, sur la table à gauche. L'élément de décor fut préservé pour d'autres tableaux comme dans le portrait dessiné d’un évêque encore anonyme. Les colonnes, le rideau et plus encore la composition de l’habit de dentelle de Saint-Simon apparaîssent plus denses encore que le lourd manteau d’hermine de Beauvau.

La qualité picturale et chromatique de ce portrait en buste désigne plaide pour une attribution pleinement autographe. On remarquera la justesse des gouttelettes de blanc qui suffisent à animer les prunelles. On aimera le sens des textures, qu’il s’agisse des étoffes, dont les arêtes accrochent la lumière, ou des carnations, en particulier le bas du visage sur lequel la barbe repousse. Sur un registre comme feutré, Rigaud déploie ici les ressources de son coloris ; un coloris à la fois profond et sourd fait de tons rompus (gris, violet-gris, rouge tirant vers le brique) et animé d’un seul ton pur et quasi central, celui du bouton rouge vif qui retient la croix pectorale en or. Le dossier de documentation du tableau au musée de Grenoble conserve la photographie d’une copie, légèrement réduite.

La version en buste, vendue en 1999, ne peut-être à notre sens qu’une adaptation à l’huile assez grossière de la gravure de Daullé. Pour avoir examiné l’œuvre dans sa collection privée actuelle, nous avons constaté que les drapés étaient très maladroits et les traits fortement stylisés, accusant la facture d’un peintre médiocre ayant « arrangé » le buste original sur plusieurs attitudes « mixées » comme le fauteuil au dossier chantourné, déjà plus ancré dans le siècle, et le fond malhabile. 

Localisation de l´œuvre :

Grenoble, musée des Beaux-arts, France

Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan