P.47
Âge du modèle : 46 ans
Huile sur toile
H. 139 ; L. 104.
Versailles, Musée National du château. Inv. 7512, MV3583, MR1508.
Historique :
Paiement inscrit aux livres de comptes en 1683 pour 66 livres (ms. 624, f° 2 : « Mons[ieu]r Desjardin [rajout : Desjardins] ») ; collection Hyacinthe Rigaud en 1743 ; IAD Rigaud, n° 390 ; collection Noailles ; Saisie révolutionnaire chez le maréchal de Mouchy, duc de Noailles ; ancienne collection.
Bibliographie :
Roman, 1919, p. 5 ; Wildenstein, 1966, p. 132 ; Seelig, 1972, p. 168, note 6 et p. 172 ; Colomer, 1973, p. 128 ; Constans, 1995, II, p. 754, n° 4258 ; James-Sarrazin, 1995, p. 646 ; Furcy-Raynaud, 1912, VI, p. 311-312 ; A.L. 1 DD 6, p. 125 et A.L. 1 DD 11, p. 98 ; Perreau, 2004, p. 34-38 ; James-Sarazin, 2009/1, p. 115, 136 ; Perreau, 2013, cat. P.47, p. 67-68 ; James-Sarazin, 2016, II, cat. P.52, p. 31.
Descriptif :
Natif de Breda en Hollande, fils de Jeanne des Cours, le sculpteur français Martin van den Bogaert, dit Desjardins (1637-1694) fut un client privilégié de Rigaud mais surtout l’un de ses proches amis. Formé à Anvers dans l’atelier du sculpteur Peeter Verbrugghen (1615-1686) il arrive à Paris dans les années 1650. Là, il se perfectionne auprès des sculpteurs Gérard van Opstal (1605-1668) et des frères Gaspard (1624-1681) et Balthazar Marsy (1628-1674), qui s’étaient également exercés en Hollande. Desjardins fera ses premières armes dans la décoration d’hôtels parisiens et, en 1661, devient membre de l’Académie de Saint-Luc sous son nom francisé de Desjardins. Il est ensuite admis à l’Académie Royale (1671) avec un bas-relief figurant Hercule couronnée par la Victoire (Paris, musée du Louvre), accède au poste d’adjoint à professeur (1672), puis ceux de professeur (1675), d’adjoint à recteur (1681) et enfin de recteur (1686). Les commandes officielles affluent alors : Dôme Invalides (1676/79), église de l’hôtel de Saint-Louis, château de Clagny (1675/82).
Desjardins a été peint à trois reprises par Rigaud : en 1683, en 1692 [P.306] et en 1700 [P.655]. Par tradition relativement justifiée, et compte tenu de la physionomie la plus jeune du modèle, c’est la version de Versailles qui passe pour être celle peinte en 1683. Encore assez intimiste, privilégiant les tons sombres et un éclairage diffus hérité des peintres nordiques que Rigaud admirait tant, la composition présente le modèle devant le monument commémorant la paix de Nimègue et qui fut érigé place des Victoires à Paris. Desjardins pose d’ailleurs la main sur la tête d’un des captifs de bronze qui ornaient le piédestal du monument (Paris, musée du Louvre).
Le fait que ce premier portrait de Desjardins ait été payé au peintre l’exclu de la commande faite par l’Académie en vue de la réception de Rigaud dès le 26 août 1685. Au portrait du sculpteur devait s’ajouter celui du conseiller honoraire Henri de La Chapelle-Bessé (mort en 1693) à remettre dans les six mois. Curieusement, le tableau de Versailles fut conservé par Rigaud jusqu’en 1743 (il figure encore dans son inventaire après décès, n°390), date à laquelle il en fit don au fils de Desjardins, Jacques. Après la mort de Martin Desjardins en 1694, l’inventaire après décès de ce dernier nous signale un « portrait dudit sieur Desjardins peint par Rigault » mais dont la mention se trouve rayée comme ne faisant finalement pas parti de l’héritage de son épouse, Marie Cadenne. Aurait-elle décidé d’offrir ce portrait à Rigaud, en souvenir de son ami ? Le peintre, dans son testament du 28 juillet 1715, désigna bientôt Jacques Desjardins, contrôleur des bâtiments du Roi à Marly, comme légataire du portrait de son père, « en gage de la sincère amitié qui étoit entre eux », à condition de « donner ses soins à ce que ce portrait ne passe pas en main étrangère, mais soit remis après le décès du Sieur Desjardins au Sieur son fils aîné ». Le fils Desjardins étant mort en avril 1716, le tableau resta chez Rigaud jusqu’en 1743 et, avec le portrait de son épouse, fit partie de la saisie révolutionnaire du 6 ventôse an VI chez le duc de Noailles, Philippe de Mouchy (1715-1794). Comme il appert dans un codicille du 27 décembre 1743, sans doute Rigaud ajouta-t-il la paire au legs spécifique des portraits du maréchal de Noailles et de sa femme, exécutés « il y a plus de trente ans » en faveur du père de Monsieur de Mouchy, le maréchal Adrien-Maurice de Mouchy, duc de Noailles (1678-1766), lui-même fils du célèbre maréchal Anne-Jules de Noailles, gouverneur du Roussillon que Rigaud peindra effectivement en 1691 (*P.245). Les portraits de Desjardins et de Marie Cadenne furent alors destinés au Museum central puis séparés ; le premier envoyé à Versailles sous Louis-Philippe, le second au musée de Caen.